Journalisme & égalite de genre

14. Comment prendre en compte le genre dans l’information ? /

L’égalité des genres passe par les médias ! Outil d’information, les médias sont également un instrument de sensibilisation. Il est donc primordial que les thématiques relatives aux femmes et à l’égalité de genre soit des sujets traités par les radios, télés, presse écrite et web. Dans ce cadre, et par devoir de déontologie, les médias doivent s’engager à ne pas transmettre des valeurs stéréotypées et à ne pas entretenir des discours discriminants à l’égard des femmes. Dans la perspective de cette égalité, il faut aussi donner aux femmes journalistes l’opportunité de diriger des programmes.

Travailler à la réduction des inégalités de genre est bénéfique à plusieurs niveaux

Identifier des inégalités de genre pour les médias et les corriger revêt de nombreux avantages pour les médias.

Au niveau de l’individu : on  prévient la discrimination, sentiment d’injustice, démotivation, la baisse de la qualité du travail, la dépression…

Pour les médias : on promeut une plus grande diversité, multiplicité des points de vue, amélioration de qualité éditoriale, plus de représentativité, une non reproduction des stéréotypes et des inégalités

Pour la société : on développe des médias porteurs de valeurs qui changent le monde et remettent en question les inégalités de genre.

Rompre avec d’anciennes formulations

Le langage est vivant et évolutif. Adoptez les modes genrés pour écrire vos papiers.

Exemples :

Dire Droits humains au lieu de Droits de l’homme ou droits de l’Homme.

Journée internationale des droits des femmes (et non pas « Journée de la femme »).

Commission des Nations Unies sur le statut des femmes (pour CSW, Commission on status of Women), au lieu de Commission pour la condition de la femme, qui était historiquement une traduction erronée.

Réfléchir aux euphémismes et à l’utilisation de formes passives, comme « les violences faites aux femmes », qui suggèrent qu’il n’y a pas d’auteur aux violences… Expression un peu plus forte : « les violences à l’encontre (ou contre) les femmes ». Autre exemple : « Elle s’est faite agresser » ; en fait : « Elle a été agressée » !

Ne dites jamais « LA femme » mais « Les femmes », car il n’y a pas une « essence féminine » et les femmes sont aussi diverses que « les hommes »

Ne jamais définir une femme par son physique… Si l’on est tenté de le faire, remplacer par un homme et juger du résultat. Exemple : « Petit bout de femme aux yeux pétillants, une telle est directrice de la communication » = cela donne « Grand gaillard aux cheveux noirs, un tel est directeur ».

Adoptez ce mode genré dans le travail du journalisme est important

Un exemple d’initiative pour faire évoluer le langage : la version française genrée de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), le premier des instruments internationaux relatifs aux droits humains qui recourt systématiquement au double usage des pronoms masculins et féminins.

Une initiative d’enseignant-es : qui ont proclamé ceci « Nous n’enseignerons plus que « le masculin l’emporte sur le féminin »

Voici les règles de base pour la féminisation des noms de métiers : 

Noms se terminant par « e », pas de changement : un ou une secrétaire

Noms se terminant par « é » ou « i », ajouter « e » : apprentie, députée

Noms se terminant par « eur », mettre « euse » : chercheuse, camionneuse…
À noter : on ajoute souvent un « e » : chercheure, proviseure, assesseur, mais la logique grammaticale voudrait que ce soit « chercheuse », « assesseuse » etc.)

Noms se terminant par autre que « eur », ajouter « e » : agente, référente, encadrante, conseillère, menuisière

Noms se terminant par « teur », mettre « trice » : formatrice, agricultrice, conductrice, factrice, autrice (féminin de « auteur », plus logique que « auteure ».)

Comment tenir compte du genre dans les contenus informatifs 

La dimension « genre » permet d’enrichir les messages et d’apporter plus de précision sur les contenus, en apportant chaque fois que c’est possible ou pertinent, des données sexuées, apportant des informations complémentaires utiles. Par exemple : « Le nombre de migrants dans le monde a augmenté ces dernières années, atteignant le chiffre record de 250 millions en 2015 ».

Cela devient avec la prise en compte du contenu genré « Le nombre de personnes migrantes dans le monde a augmenté ces dernières années, atteignant le chiffre record de 250 millions en 2015, dont 48% de femmes ».

Donc il faut également mentionner les disparités et inégalités de genre.

En plus des données quantitatives sexuées, on peut apporter quelques éléments d’analyse montrant que les femmes et les hommes sont touchés différemment.

Reformulez, ou supprimez les anciennes expressions sexistes, telles que « le panier de la ménagère », « la fée du logis », comme « tout le monde a répondu présent comme un seul homme », « un homme de paille »… « gérer une affaire en bon père de famille » (en France par exemple la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, publiée le 4 août 2014, remplace dans le code civil et autres codes, l’expression juridique « en bon père de famille » par « raisonnablement ».

Évitez des illustrations bourrées de stéréotypes

Il y a le contenu des messages mais il faut prêter attention aux illustrations.   

Il faut avoir une vigilance particulière quant aux visuels, analyser les brochures, dépliants, sites web.

De nombreux stéréotypes se glissent dans les représentations visuelles : sur-représentation des hommes en situation professionnelle, femmes choisies pour leur aspect « décoratifs » (vêtements, cheveux…) ; choix des couleurs (pastels ou rose pour les femmes, couleurs plus tranchées pour les hommes)

Des questions à se poser systématiquement

Le langage utilisé désigne-t-il les femmes comme les hommes ?
Y a-t-il autant de femmes et d’hommes représenté-es dans les illustrations, dessins, photos, affiches, tracts ; sites web et blogs ?
Dans quelles attitudes et activités sont-ils et sont-elles représentées ? Exemple : premier plan ou arrière-plan, actifs ou passifs, en situation de responsabilité / d’exécution / d’action / de discussion…
Peut-on repérer des stéréotypes associés aux hommes ou aux femmes ? Exemple : métiers stéréotypés ; attitudes et valeurs attribuées aux femmes (douceur, minutie, compassion…) et aux hommes (esprit d’entreprise, énergie, rationalité, agressivité)…
Est-ce que le document approfondit de façon sexuée ses chiffres et ses statistiques ? Exemple : pas seulement « les producteurs de fruits et légumes », mais le nombre de femmes et d’hommes dans la filière de production.

Adopter un langage dit « épicène »

Celui-ci s’adresse d’emblée aux hommes et aux femmes, avec un choix de mots qui ne varient pas selon le genre, donnant une allure neutre à la communication. Les mots épicènes ne varient pas selon le masculin ou le féminin. Exemples : un ou une collègue, des collègues ; un ou une stagiaire ; le personnel administratif ; un ou une bénévole…

REMPLACER
« Les formateurs » par « L’équipe de formation »
« Les européens » par « La population européenne »
« Les hommes » par « Les humains », « Les êtres humains », « l’humanité »
« Les hommes politiques » par « Les personnalités politiques »
« Les électeurs » par « L’électorat »
« Les adhérents » par « Les membres de l’association »
« Les paysans africains » par « La paysannerie africaine »
« Les agriculteurs familiaux » par « L’agriculture familiale » ou « les agricultures familiales »
« Les participants au colloque » par « Les personnes présentes… »
« Les demandeurs d’asile » par « Les personnes demandeuses d’asile »

Pensez à adopter un langage « genré », qui rappelle qu’il y a des hommes et des femmes.

Quand il est difficile d’utiliser des expressions neutres, on peut choisir de mettre les termes au féminin et au masculin : « bonjour à toutes et tous », « merci à celles et ceux », formateurs et formatrices, professionnels et professionnelles, actrices et acteurs, paysans et paysannes…

Lorsqu’on pratique le journalisme sensible au genre, il faut être soucieux de prendre en compte une approche non sexiste des documents que vous produisez mais aussi être capable de repérer  les documents qui véhiculent des stéréotypes, du sexisme etc…

Des réformes à faire au sein même des rédactions

Les inégalités de genre peuvent avoir lieu à différents moments dans le travail : pendant le recrutement, dans la promotion interne et l’accès aux postes de responsabilités ou de visibilité (plafond de verre), dans l’organisation du travail avec des problématiques d’articulation des temps de vie, dans la répartition des tâches entre les journalistes et lors des réunions, dans la légitimité qui est donnée à une parole plutôt qu’à une autre, dans les remarques et comportements sexistes…

Il faut envisager de :

  • Nommer des femmes comme cheffe de DESK.
  • Encourager les femmes à militer dans les associations et mouvement syndicaux et y assurer les postes de responsabilités.
  • Élaborer une politique genre (mise en place d’une crèche pour les femmes journalistes, être flexible dans la programmation des femmes enceintes, allaitant mais avec son accord).
  • Liste tournante pour les missions à l’intérieur du DESK, qu’elles soient internes ou internationales.
  • Monitoring (de la mise en œuvre des recommandations).

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