Journalisme & égalite de genre

11. Comment les journalistes doivent ils parler des violences contre les femmes ? /

La lutte contre les violences faites aux femmes passe aussi par les médias. Un traitement journalistique pertinent, juste, précis, permet de prendre la mesure de l’ampleur de ce phénomène de société et d’en changer l’image dans le grand public pour éviter la banalisation de ces violences et faire en sorte qu’elles ne restent pas impunies.

Définition

Les Nations Unies définissent la violence à l’égard des femmes de la façon suivante « tous les actes de violence dirigés contre le sexe féminin, et causant ou pouvant causer aux femmes un préjudice ou des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques, y compris la menace de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou dans la vie privée». Selon les estimations mondiales de l’OMS, 35% des femmes, soit près d’1 femme sur 3, indiquent avoir été exposées à des violences physiques ou sexuelles de la part de leur partenaire intime ou de quelqu’un d’autre au cours de leur vie.

Constat de l’OMS

« Le plus souvent, cette violence est le fait du partenaire intime. Au niveau mondial, près du tiers (30%) des femmes qui ont eu des relations de couple signalent avoir subi une forme quelconque de violence physique et/ou sexuelle de la part de leur partenaire intime au cours de leur vie.

Au niveau mondial, pas moins de 38% des meurtres de femmes sont le fait de leur partenaire intime masculin.

Ces violences entraînent des problèmes de santé physique, mentale, sexuelle, reproductive chez les femmes victimes et peuvent accroître leur vulnérabilité au VIH.

Pour l’auteur de violence, les facteurs de risque sont les suivants : un faible niveau d’instruction, des antécédents de maltraitance pendant l’enfance ou l’exposition à des violences contre leur mère, l’utilisation nocive de l’alcool, l’acceptation de la violence et de l’inégalité entre les sexes, et la conviction d’avoir des droits sur les femmes.

Pour la victime de violence, les facteurs de risque sont les suivants : un faible niveau d’instruction, l’exposition à la violence inter-parentale, des sévices pendant l’enfance et l’acceptation de la violence, des prérogatives de l’homme et de l’état de subordination de la femme.

Il semble bien que les interventions de conseil en matière de sensibilisation et d’autonomisation, ainsi que les visites à domicile soient prometteuses pour prévenir ou réduire la violence du partenaire intime à l’égard des femmes.

Les situations de conflit, d’après conflit et de déplacement des personnes peuvent exacerber la violence existante, notamment la violence d’un partenaire intime ou de quelqu’un d’autre, et occasionner de multiples formes de violence contre les femmes. »

Dix violences majeures identifiées

Elles ont ainsi été retenues par différents médias et institutions spécialisées comme le Dart Center for Journalism & Trauma, la Fédération internationale des journalistes, l’Ethical Journalism Network ou encore, l’Association des journalistes professionnels (AJP).

Le harcèlement sur Internet, les agressions sexuelles, les violences d’un partenaire intime et les meurtres conjugaux ou encore les mariages forcés, les crimes dits d’ « honneur », les violences contre les femmes dans les conflits, les mutilations génitales féminines, les foeticides et infanticides sexospécifiques et la traite des êtres humains.

Les concepts des violences basées sur le genre

Comprennent une grande variété d’abus regroupés en quatre formes à savoir : les violences sexuelles, les violences physiques, les violences affectives ou psychologiques et socio-économiques.

  1. Les violences sexuelles : La violence sexuelle est tout acte, tentative, commentaire ou avance de nature sexuelle orientée vers le sexe d’une personne en utilisant la coercition. La violence sexuelle peut comprendre le viol. C’est l’acte de pénétration des objets ou du sexe par orifices anaux, vaginal ou buccal en la personne d’autrui sans son consentement.  Tentative de viol : c’est tout effort visant à violer une personne et qui n’aboutit pas à une pénétration. Le viol conjugal : c’est le rapport sexuel forcé par une épouse ou un partenaire intime. L’inceste : relations sexuelles entre un homme et une femme liées par degré de parenté entraînant la prohibition du mariage. Harcèlement sexuel : avance sexuel malvenue, répétée et sans réciproque ; attention sexuelles non sollicitée. Exhibition de documents pornographiques. Pédophilie : rapports sexuels entre les adultes et les jeunes enfants. Sodomie forcée (viol anal) : relations anales imposées par la force ou la contrainte, d’un homme à un homme ou d’un homme à une femme. L’attouchement : geste posé par une personne donnant ou cherchant la stimulation sexuelle non appropriée quant à l’âge, portant ainsi atteint à son intégrité corporelle ou psychique. Exploitation sexuelle : une coercition ou une manipulation sexuelle par une personne occupant une position de pouvoir et qui utilise ce pouvoir pour s’engager dans les actes sexuels avec une personne qui n’a pas de pouvoir. Prostitution forcée : le fait d’amener une personne à commettre des actes de nature sexuelle sans son consentement à des fins pécuniaires ou autres. Mutilations génitales féminines/excision (MGF/E) : toute procédure impliquant l’ablation partielle ou totale de l’appareil génital féminin externe ou autre blessure causée aux organes génitaux féminins pour des raisons autres que médicales.
  2. Violence affective et psychologique : cette forme de violence se manifeste par l’humiliation, abus verbal et émotionnel, injures, calomnie, critiquer, insulter, méfier, huer, minimiser, négliger, se moquer, dédaigner.
  3. Violences socio-économiques : les faits tels que : empêcher sa femme de travailler, refuser d’engager la femme à cause de son sexe, confisquer le salaire de sa femme, refuser l’héritage à la femme, refuser la propriété à sa femme, déni des ressources.
  4. Violences physiques : l’utilisation intentionnelle de la force physique pour faire du mal à une femme ou la blesser. Les faits tels que : battre, taper, gifler, torturer, tuer, blesser, travail forcé, couper, boxer, brûler, trouer, fouler aux pieds, cogner, écraser, trainer, étrangler, ligoter, pendre. Les types selon le système de gestion d’information des violences basées sur le genre (GBVIMS). Les catégories utilisées pour classer les violences basées sur le genre peuvent aussi changer d’une organisation ou contexte à une autre. Les définitions suivantes ont fait le sujet du travail de plusieurs organisations et agences internationales (dont UNHCR, UNICEF, UNFPA, IRC), et représentent une manière d’harmoniser la compréhension.
  5. Viol : pénétration vaginale, anale ou buccale sans consentement (même superficielle) à l’aide du pénis ou d’une autre partie du corps. S’applique également à l’insertion d’un objet dans le vagin ou l’anus.
  6. Agression sexuelles : toute forme de contact sexuel sans consentement ne débouchant pas ou ne reposant pas sur un acte de pénétration. Entre autres exemples : les tentatives de viol, ainsi que les baisers, les caresses et les attouchements non désirés aux parties génitales ou aux fesses. Toute violence/tous sévices sexuels sans pénétration, et les mutilations génitales féminines/l’excision. Ce type d’incident ne comprend pas les viols (qui consistent en un acte de pénétration).
  7. Agression physique : dont les coups, les gifles, les coups de pied, les bousculades, etc. n’étant pas de nature sexuelle.
  8. Mariage forcé : pour des raisons coutumières, matérielles ou par ambitions, les jeunes filles et garçons sont obligés d’épouser tel homme ou telle femme selon le choix des parents ou du chef coutumier et même parfois du chef religieux.
  9. Denis de ressources d’opportunités : c’est le refus de fournir un service, une ressource ou une opportunité à laquelle une personne devrait avoir accès. Par exemple, un enseignant qui refuse à un élève d’avancer de classe parce qu’elle refuse de faire les relations sexuelles avec lui, un père qui envoie son garçon à l’école mais pas sa fille, ou une femme qui ne peut pas hériter de la terre.
  10. La violence psychologique : est tout abus non sexuel qui est dégradant et humiliant et qui cause des sévices émotionnels. Des exemples incluent les insultes verbales, les injures, la manipulation, le traitement humiliant, ou les confinements.
  11. Le viol : c’est l’acte de pénétration d’un objet ou du sexe par l’orifice anal, vaginal ou buccal de la personne d’autrui sans son consentement.

Nous nous sommes inspirés des bonnes pratiques et chartes édités par ses institutions et nous allons vous fournir quelques  pistes pour mieux couvrir ces violences contre les femmes.

Voici des conseils clés pour un traitement pertinent des ces sujets

Tout d’abord :

  • Traitez les questions de violences contre les femmes non pas comme des « faits divers », mais bien comme un grave problème de notre société.
  • Rappelez les chiffres et statistiques disponibles. Donnez la parole à des experts et expertes sur le sujet.
  • Rappelez les dispositions juridiques à l’égard des victimes de violences, notamment certains articles du code pénal y faisant référence. 
  • Identifiez les acteurs par leur genre et nommer les violences machistes pour ce qu’elles sont.

Veiller au choix des mots

Le vocabulaire utilisé n’est pas neutre. Il peut blesser les victimes/survivantes mais aussi minimiser ou tronquer la réalité. Il faut donc soigneusement choisir ses mots. On ne tue pas par amour mais par jalousie ou par volonté de domination. Parler de « chagrin d’amour » quand il y a eu meurtre conjugal, c’est parer la réalité d’un voile romantique et induire un sentiment de compréhension par rapport à l’auteur du crime. L’expression « crime passionnel » est à bannir et à remplacer par « crime possessionnel » ou « meurtre par le partenaire intime ».

Sécuriser les victimes, survivantes et les témoins

Lorsqu’on filme ou photographie une victime de violences, la règle la plus importante est de ne pas mettre sa vie ou son avenir en danger. Il faut recueillir son consentement éclairé et clarifier si elle accepte d’être reconnue à l’écran. Dans le cas contraire, il faut flouter très soigneusement son image et prendre garde à ce qu’aucun détail ne permette de l’identifier.

Réfléchissez à la pertinence d’éléments de détails

Lorsque des précisions portant sur les vêtements, le physique ou les habitudes de vie de la victime, induisent qu’elle peut être responsable de son agression, vous devez l’éviter. Même si ce sont des informations délivrées par la police, ou un juge d’instruction pour la compréhension du dossier, elles n’ont pas la même signification sous la plume d’un journaliste. Il convient d’y être attentif, d’utiliser des guillemets ou de s’abstenir de les diffuser.

Les victimes ne sont pas des personnes passives

Il est utile de relater ce que les victimes ont mis en place pour se défendre et tenter d’échapper à leur agresseur, de ne pas seulement les présenter comme des victimes passives.

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