Journalisme & égalite de genre

09. Comment vous protéger physiquement en situation de reportage ? /

Partir en reportage est de plus en plus difficile compte tenu des situations de conflits un peu partout dans le monde. Être un bon journaliste dans ce cas de figure requiert plus d’une force mentale que de l’expertise journalistique. Pour cela, il faut installer de bonnes pratiques au sein des rédactions comme l’évaluation rigoureuse des risques, du souci du travail en équipe, de l’importance du briefing, de l’équipement adapté et de la sensibilisation au risque traumatique.

CONNAITRE LE TERRAIN

Il faut vous renseigner au maximum sur la zone où il faut aller : contexte sécuritaire, social, politique, sanitaire, climatique, médiatique, infrastructures, etc.

Se familiariser avec la culture, les coutumes, les codes vestimentaires, comportementaux pour mieux comprendre et intégrer l’environnement.

Il faut bien préparer votre départ et évaluer les risques en posant ces genres de questions.

1er réflexe ! Renseignez-vous sur la personne qui vous attendra, le lieu, où vous logerez, etc, de façon à prévoir les conditions de votre mission.

Est-ce que les renseignements collectés sont exacts ?

Quels sont tous les risques possibles et comment y faire face ?

L’intérêt journalistique du sujet justifie-t-il vraiment les risques à courir ?

Comment rester en contact avec la rédaction, la famille?

Quelle aptitude physique et psychologique ?

Avant de partir

Effectuer une visite médicale complète.

Être à jour dans les vaccinations : consigner les vaccinations dans un carnet international.

Connaitre son groupe sanguin et ses allergies.

Préparer votre sac en faisant une check list.

Pour assurer votre sécurité en mission, dans vos déplacements, hébergement et communication  

Choisissez soigneusement votre contact local, chauffeur, hébergement.

Évitez toute routine et ne vous déplacez pas seul.

Rester constamment en contact avec votre rédaction et vos proches.

Si vous partez en zone de combats voici des consignes strictes à respecter

Porter un gilet pare-balles et un casque.

Démarquez vous comme journaliste à travers des signes visibles.

Connaitre son itinéraire avant tout déplacement.

En cas de contrôle, garder son calme et coopérer.

En cas de tir, se plaquer au sol et se mettre à l’abri.

Violences sexuelles et conseils spécifiques aux femmes

Les abus sexuels subis par plusieurs femmes journalistes en Égypte lors des manifestations anti-régime place Tahrir, et notamment l’agression violente de Lara Logan, reporter de guerre pour CBS, ont en effet souligné les risques de violences sexuelles auxquelles peuvent être exposés les journalistes et plus particulièrement les femmes journalistes sur le terrain.

En tant que femmes, les journalistes doivent pouvoir donner leur avis sur les personnes avec lesquelles elles font équipe (y compris les freelances) et devraient, si possible, recevoir une formation d’auto-défense. 

Certaines formations sur le reportage en environnement hostile incluent des modules concernant les besoins spécifiques des femmes.

Un autre conseil précieux, afin d’éviter les attouchements dans la foule, déplacez vous avec des collègues masculins de confiance.

Si quelqu’un menace de vous agresser sexuellement : déféquez, urinez ou vomissez-vous dessus, dans certaines cultures vous pouvez décourager les violeurs en leur signifiant que vous êtes enceinte, indisposée ou que vous êtes porteuse du virus du sida, ceci brise l’élan de l’adversaire.

Changez de sujet. Criez. Courrez. Il ne faut pas essayer de lutter.

Un équipement adapté aux femmes

On n’y pense pas souvent mais les femmes ont besoin d’équipements de protection plus petits, adaptés à leur morphologie et dans lesquels elles puissent se sentir à l’aise. Avant chaque mission, les femmes journalistes et leurs supérieurs doivent prendre connaissance des coutumes locales spécifiques aux femmes.

Habillez-vous toujours de façon conservatrice. Les pantalons qui se ferment avec des boutons, les ceintures et chaussures à lacets sont plus difficiles à retirer.

Ne portez pas de queue de cheval, elle rend plus aisée la prise par l’agresseur. 

Dans certaines cultures, les femmes seules non accompagnées sont particulièrement vulnérables. Portez une alliance, même si vous êtes célibataire, le port d’une alliance par exemple, peut vous protéger d’attentions excessives.

Si vous vous rendez dans un pays musulman, emportez un foulard ou un tchador au cas où vous en auriez besoin.

Faites attention si vous sortez les cheveux mouillés. Dans certaines cultures, ceci peut être interprété comme une avance sexuelle.

Soyez vigilante lorsque vous regagnez votre hôtel.

Alertez le personnel de l’hôtel si vous soupçonnez quelqu’un de vous suivre.

Ne buvez pas d’alcool pendant les interviews, même si vous faites confiance à votre source. Beaucoup de viols ont lieu à l’encontre de femmes en état d’ébriété.

Pour empêcher quelqu’un de faire irruption dans votre chambre : ne séjournez pas dans une chambre avec terrasse.

Déplacez les meubles contre la porte avant de dormir décalez le lit de la fenêtre.

Gardez un déodorant près du lit pour le pulvériser dans les yeux de l’agresseur.

Munissez-vous d’une alarme personnelle.

Que faut-il faire avant de partir pour une mission risquée ?

Prenez le numéro de téléphone d’une aide psychologique d’urgence. Renseignez-vous sur l’endroit où vous pourrez trouver des médicaments contre le sida en cas de viol par une personne qui pourrait l’avoir contracté.

Voici quelques conseils généraux qui peuvent vous épargnez des agressions.

Marchez de manière confiante. Faites attention à ce qui vous entoure. Une raison supplémentaire pour ne pas boire d’alcool, qui ralentit vos réflexes.

Éviter les petits chemins mal éclairés.

Renseignez-vous sur votre équipe locale de soutien.

Évitez d’interviewer seule des groupes d’hommes armés, notamment s’ils boivent de l’alcool.

Si vous subissez une agression sexuelle : ne vous sentez pas coupable, aller voir un médecin (et prenez des médicaments contre le sida) immédiatement.

Consultez un psychologue, parlez-en à un (e) collègue en qui vous avez confiance.

Il est recommandé aux hommes comme aux femmes de ne pas cacher leurs émotions. Trouvez quelqu’un de confiance à qui vous pouvez vous confier – homme ou femme.

LEÇONS ET TÉMOIGNAGES DES CONFRÈRES/CONSOEURS

« TOUT DOIT AVOIR ÉTÉ SOIGNEUSEMENT PRÉPARÉ EN AMONT », Iqbal Khattak, journaliste et correspondant RSF au Pakistan

« NE FAITES CONFIANCE À PERSONNE », Stéphanie Perez, grand reporter à France 2

« JE PARS DU PRINCIPE QU’ON EST ÉCOUTÉ ET SURVEILLÉ », Christophe Boltanski, grand reporter à l’Obs

« IL FAUT AVOIR UN MENTAL FORT », Martine Laroche-Joubert, grand reporter à France 2

« EN CAPTIVITÉ, IL FAUT BRISER LA GLACE AVEC SES GEÔLIERS », Martin Schibbye, journaliste suédois freelance, emprisonné 438 jours en Éthiopie

« QUAND ON EST MENACÉ, IL EST IMPORTANT DE SE CRÉER UN RÉSEAU INTERNATIONAL DE SOUTIEN », Dina Meza, journaliste d’investigation et correspondante RSF au Honduras

« IL FAUT TOUJOURS ÊTRE EXTRÊMEMENT ATTENTIF À SON ENVIRONNEMENT », Emmanuel Sérot, journaliste en charge des questions de sécurité à l’AFP

« FAIRE PREUVE D’HUMILITÉ ET DE RESPECT », Alain Mingam, journaliste-photographe et membre du conseil d’administration de RSF

« NE JAMAIS PARTIR SEUL », Paul-Stéphane Manier, journaliste TV, documentariste et membre du conseil d’administration de RSF

Si vous travaillez comme journaliste « embarquée », c’est-à-dire que vous voyagez avec une armée nationale ou des groupes armés, ne présumez de rien en ce qui concerne votre propre sécurité. Faites le maximum pour clarifier à l’avance les circonstances que vous aurez à affronter.

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