15. Effet de souffle et réseau /
Pour trouver de l’argent, du soutien, des alliés et des relais de diffusion, il existe plusieurs réseaux pros… pro JoSo.
« Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin » : le proverbe favori d’Aché Attimer Youm qui a lancé la plateforme StopBlaBla pour promouvoir le JoSo en Afrique, illustre bien l’enjeu des réseaux pour ce nouveau genre journalistique.
Pour se former, trouver des appuis, des alliés, des mentors, des relais d’informations, participer à des enquêtes transfrontalières ou accéder à des sources de financement, il faut sortir de son cocon et s’affilier à des réseaux. Par chance, il y en a plus d’un et ils sont assez complémentaires.
SJN : le réseau mondial
18.000 journalistes formés, un tracker qui recense plus de 10.000 articles, des webinars, des cours en ligne… D’abord américain, mais désormais sur tous les continents, le Solutions Journalism Network (SJN) est la plus importante organisation de journalisme de solutions dans le monde.
Son credo, c’est d’être pro. Hyper pro. Pour sa représentante en Europe, Nina Fasciaux, il faut mettre la barre très haut : « Nous apportons une méthodologie journalistique très rigoureuse afin de nous assurer que, quand on s’intéresse aux solutions, nous avons la même rigueur et les mêmes hauts standards journalistiques que l’on utilise pour couvrir les problèmes ».
Le SJN a donc développé une méthode que nous avons maintes fois évoquée dans les épisodes précédents. Mais c’est aussi un réseau très performant. Les journalistes qui ont suivi les cours en ligne peuvent par exemple participer à des réunions de rédaction pour échanger en visio sur leurs sujets avec des consoeurs et confrères (et des mentors du SJN). Un programme spécifique, le LEDE Fellowship sélectionne des entrepreneurs dans les médias qui ont un projet JoSo, les accompagne et les met en relation pour créer une communauté d’entraide, échanger de bonnes pratiques et amplifier mutuellement l’effet de souffle des productions. Accessoirement, les boursiers du LEDE Fellowship peuvent prétendre à une aide financière de 3,500 $.
D’autres bourses ont été lancées par le SJN avec des budgets plus conséquents. 17,500 $ par exemple pour des reportages sur une thématique santé. Mais ce programme était limité aux résidents américains.
À noter enfin que l’association a aussi mis en place the talent network, un réseau pour mettre en relation les pigistes et les rédactions adeptes du JoSo.
Pour l’Afrique et le Moyen-Orient, un site comparable, soutenu par SJN, existe, créée par Dina Aboughazala, une journaliste égyptienne basée en Turquie : egab.co
Reporters d’Espoirs : Le pionnier français
Pionnière du JoSo en France, l’association a pour principal objectif de « promouvoir dans les médias une information porteuse de solutions ». Les prix Reporters d’Espoirs récompensent chaque année les meilleures reportages, séries, chroniques dans les médias français. Et l’association organise « la France des solutions », un grand raout rassemblant des centaines de personnes acteurs du JoSo devenu sous la houlette du nouveau président, le journaliste Christophe Agnus, une journée exceptionnelle de mobilisations de médias partenaires avec une soirée en direct sur France Info TV et de multiples publications. À l’initiative du Libé des Solutions, l’association a aujourd’hui convaincu de nombreux médias de passer, au moins une fois par an, au JoSo.
Enfin, l’ONG propose des formations, recense des articles en français et a pour projet de créer un réseau de journalistes francophones.
Sparknews : une ambition planétaire
L’équivalent de la France des solutions au niveau mondial, c’est l’Impact journalism day, une initiative où 60 rédactions sur tous les continents publient le même jour un article orienté Solutions. Cette journée est une des initiatives de Sparknews, une société qui recense les initiatives ODD, diffuse les contenus de médias partenaires (essentiellement mainstream) et accompagne les entreprises.
StopBlabla : une ambition africaine
Le projet africain d’Ache Attimer Youm (voir épisode 12) c’est, comme les autres réseaux, de former les journalistes au JoSo, de promouvoir sa pratique et de relayer les articles. Mais StopBlaBla va aussi plus loin avec son « Tour d’Afrique des solutions », une opération thématique qui permet de faire de véritables dossiers de journalisme comparatif : « Ensemble, nous définissons une problématique commune à nos pays et chacun est tenu d’apporter une réponse portée par leurs citoyens respectifs. Le but : s’inspirer les uns, les autres. Et constituer à terme une médiathèque, une sorte de banque des données des solutions en Afrique. ». La première saison a été consacrée aux solutions face aux inondations au Burkina, en RDC et au Tchad.
Information pour le Monde suivant : le réseau émergent
StopBlabla fait partie des médias qui veulent prodiguer une information utile d’intérêt collectif. Ce nouveau concept porté par le groupement « Informations pour le Monde Suivant » (IMS). Créé par le journaliste Patrick Busquet, cette association a, comme les autres organismes cités ici, pour objectif de promouvoir les principes du journalisme de solution (même si on n’y utilise pas le terme), mais elle se distingue aussi en insistant sur plusieurs points :
- IMS souligne l’importance des informations pratiques, des « explications de méthodes » qui doivent devenir des « clefs opératives ». Cette dimension service, souvent induite, est rarement valorisée par les autres réseaux.
- IMS veut créer une « signalétique » pour baliser les informations utiles.
- IMS encourage les diffuseurs de programme à mettre en place des mesures d’impact.
Enfin, et c’est la dimension la plus originale, « Nous apprenons aux journalistes mais aussi aux responsables de communication, aux directeurs marketing, aux citoyens à fabriquer eux-mêmes des informations utiles d’intérêt collectif » explique Patrick Busquet . Autrement dit, c’est le JoSo à portée de tous et pas seulement des journalistes : un peu à l’image de ce que pratiquent les fact checkers qui démocratisent leurs outils de vérification auprès du plus grand nombre pour que chacun exerce sa vigilance citoyenne. IMS a aussi pour ambition de devenir un mouvement citoyen.
C’est d’ailleurs probablement l’un des futurs possibles du JoSo : Le journalisme de solution, ce n’est pas seulement du journalisme. Et ses enjeux, présentés dans ces 15 épisodes, méritent d’être propagées, vulgarisées et démocratisées auprès du plus grand nombre…
Trois livres pour méditer
Trois livres sont sortis récemment autour du journalisme de solution. Cette série leur doit beaucoup. Complémentaires, ils sont tous à dévorer et à annoter si vous voulez pratiquer le JoSo.
- Le journalisme de solutions par Pauline Amiel, Presses universitaires de Grenoble. 16 euros. Le tour complet du sujet par une chercheuse, enseignante en journalisme. Pour tout savoir sur l’historique, les différents types de journalismes de solutions, les limites de certaines pratiques et les règles de base du JoSo.
- Imaginer le monde de demain par Gilles Vanderpooten, postface d’Eric Fottorino, Actes sud. 19,50 euros. Écrit par le directeur général de Reporter d’Espoir, ce livre propose un bon panorama du JoSo en France avec de nombreux témoignages inspirants.
Nos paroles façonnent le réel par Patrick Busquet, postface de Didier Pourquery, L’échappée belle éditions. 16 euros. Le parcours et la vision du fondateur d’Informations pour le monde suivant. Avec la méthode pour pratiquer un « journalisme utile et constructif ».
Un projet porté par CFI en partenariat avec France Médias Monde