Journalisme de solution

09. Le JoSo sur le web (et le print) /

Le journalisme de solution s’est pleinement épanoui dans le monde digital et dans les versions numériques des titres de presse écrite.

Depuis des années, des publications print puis web, se sont multipliés dans le monde entier. Rien qu’en anglais, on peut recenser sur le site de la SJN plus de 10.000 articles JoSo off et online recensées (en anglais). Allez-y faire un tour, c’est impressionnant.

En langue française, on ne compte plus les titres écrit et web qui ont au moins une rubrique JoSo :

  • Les solutions pour la Planète du Monde ainsi que sa newsletter « le fil good ».
  • La rubrique « Demain » du Figaro.
  • Le Libé des solutions, un numéro spécial du quotidien Libération qui parait autour du 2 janvier depuis 2014 (et qui est toujours une des meilleures ventes de l’année).

Il y a aussi de nombreux sites ou magazines qui relèvent du journalisme constructif. Citons :

  • Usbek & Rica, un média prospectif qui fait une belle place au JoSo futuriste.
  • Les « alternatives » de Reporterre, le quotidien de l’écologie.
  • Le site positivr.fr, version buzz et ludique du journalisme constructif.
  • Le magazine WeDemain, le JoSo version tech et écolo.
  • Les dossiers JoSo du site suisse news et notamment ces 11 solutions africaines pour le Monde d’Après.
  • Le média d’investigations locales MédiaCités fait la part belle aux solutions.

Deux médias se détachent cependant dans l’engagement pris en faveur du journalisme de solutions : The Guardian et Nice Matin.

Le verre à moitié plein du Guardian

« Le journalisme de news, c’est l’art de chercher des nuages dans un ciel ensoleillé » : cette punchline, c’est l’avis d’un connaisseur. Mark Rice-Oxley a longtemps été grand reporter et journaliste d’investigation pour le célèbre quotidien britannique. Mais en 2016, après les résultats d’une enquête auprès des lecteurs qui reprochaient au média de ne voir dans l’info que le verre à moitié vide, il crée la rubrique « Half Full » (à moitié plein). « Cette rubrique correspondait à une demande de notre audience pour ce type de journalisme ». Autrement dit, des infos positives et  « duveteuses » selon la jolie formule d’Oxley.

Puis en 2018, la rubrique a changé de nom en devenant « Upside » (difficile à traduire, disons, « le bon côté ») et intégrant des articles plus complets, plus profonds et très variés.

C’est ainsi qu’une enquête fouillée sur les travailleurs du secteur pétrolier qui choisissent de se reconvertir dans les énergies renouvelables côtoie un article qui prouve, par des cartes animées, que le monde va mieux depuis 70 ans en terme de santé, d’éducation, etc. On trouve aussi des analyses pointues sur des avancées scientifiques du type « La propagation de la poussière de roche sur les champs pourrait éliminer de grandes quantités de CO2 de l’air ». C’est le Guardian quoi, pas le Sun. Mais des recensions plus fun des actus feelgood de la semaine sont aussi au programme. Bref, cette rubrique est aussi un écosystème qui influe sur la tonalité générale du titre…

Le pari réussi de Nice Matin

Fondé après la Seconde Guerre mondiale, Nice Matin a été en (grande) partie sauvé par le JoSo. En 2014, suite à une décision du Tribunal de commerce, le journal est repris par les salariés avec l’aide d’une communauté de lecteurs. La question se pose alors pour Damien Allemand le responsable digital et Benoit Raphaël, un journaliste consultant créateur de concepts : pour quel type de contenu les lecteurs seraient-ils prêts à s’abonner ?

Et la réponse est : pour ce qui a du sens.

Le journalisme de solutions s’est imposé comme une évidence. Avec des résultats très probants au bout de cinq ans d’existence (voir épisode 4). Quel est le secret ? Il tient en 5 points.

  • Une équipe. Et une équipe nombreuse. Il faut du monde pour réaliser les enquêtes et les reportages. Au départ, ils étaient dix journalistes, financés par le fond « Google initiative ». Après ce programme, l’équipe s’est réduite à quatre puis repasse à six grâce au succès du concept. Et chaque journaliste possède des compétences spécifiques : une ancienne correspondante en Italie pour réaliser des reportages comparatifs de l’autre côté de la frontière, une data journalist, une vidéaste, etc.
  • Un mode de traitement. Comme d’autres médias numériques adeptes du slow journalism, Nice matin a choisi de feuilletonner ses enquêtes. Ce qui permet des traitements multiples et des angles différents à l’intérieur d’un même dossier. Les enquêtes sont séquencées en plusieurs épisodes pour dérouler une histoire et faire le tour de la question. Le problème est exposé avec toutes les données. Les solutions sont abordées dans leur pluralité. L’avantage, c’est qu’on peut nuancer les réponses : « On n’aime pas le côté simpliste, donneur de leçons », explique Aurore Malval, journaliste dans l’équipe JoSo de Nice Matin.

Par exemple, lors d’une série sur la crise agricole dans un département qui a vu le nombre de ses agriculteurs divisés par 10 en 30 ans (une narration en dataviz), l’équipe Solutions raconte comment des citoyens achètent des terres pour installer des maraîchers (en vidéo), comment des paysans se transforment en boulanger, quel est le nouveau cépage qui sauve des vignerons, pourquoi l’Italie est devenue le pays européen avec le plus de jeunes agriculteurs, etc. 

  1. Une horizontalité. Ce sont les lecteurs qui choisissent le thème du mois en votant. Ils sont souvent les premiers interrogés en début d’enquête. Et on leur livre tous les secrets de l’enquête avec une rubrique
  2. Une articulation web/print. Le service est d’abord conçu pour le web. Mais les articles sont aussi repris dans le quotidien papier, le plus souvent le week-end parfois en une et sur une double page.
  3. Un suivi. Il y a une vraie rubrique « on y revient » : « pour ne pas laisser nos solutions sans les fact checker, explique aurore Malval. On se rend compte que bien souvent, une solution peut être source de nouveaux problèmes. On ne voulait pas avoir une vision manichéenne. »

N’oubliez pas les newsletters !

Nice Matin propose une newsletter des solutions qui permet un ton plus intime avec la communauté de lecteurs. D’autres médias aussi sont inspirants.

  • À commencer par la newsletter « 20 minutes restez positifs » avec nous, concentré bien pensé et en perpétuelles évolutions de good news, de coup de cœur, de JoSo et d’initiatives proposées par les lecteurs.
  • The Optimist du Whashington Post propose un menu très copieux deux fois par semaine où de belles histoires très feelgood alternent avec des listicles pratiques, des papiers psycho, des initiatives insolites des roles models inspirants et des articles Joso qui englobent tout ça !
  • Petit dernier mais pas le moins intéressant, bulletin, les bonnes infos est un pure player entièrement constitué d’une newsletter. Cet hebdo qui équilibre son contenu entre journalisme explicatif et journalisme constructif reprend les news les plus anxyogènes de la semaine pour y trouver un angle qui donne des raisons d’espérer. « Je voulais faire un petit mag sur mobile, un produit fini dans un monde de flux, explique son fondateur Jean Abbiateci, un ancien rédacteur en chef adjoint du Temps et de heidi.News en Suisse.
  • Enfin, la newsletter du collectif Antidotes, est une véritable revue de presse mensuelle d’articles JoSo.

À Méditer avant de se lancer

  • Vous avez une idée de sujet ? Imaginez-le en série. Feuilletonnez avec tous les angles et traitements possibles : analyse, data, sondage, reportage comparatif, interview d’expert, mode d’emploi, etc…
  • Pensez image, pensez tutos. Même courte, une vidéo explicative est un plus dans un article JoSo en ligne.
  • Quels sont vos relations avec votre audience ? Avez-vous déjà sollicité vos lecteurs ? Faites-vous des sondages réguliers pour connaître leurs demandes, leurs envies et leurs besoins ? Si ce n’est pas le cas, c’est le moment de s’y mettre…

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