04. Les atouts du JoSo /
Le journalisme de solution demande du temps… mais rapporte de l’argent, de l’audience et de l’engagement. C’est aussi un journalisme bankable.
Data journalism, fact checking, vidéos, podcast… la transformation digitale des rédactions a généré de nouveaux formats et de nouveaux genres journalistiques chronophages mais pas forcément rentables. Avec ses exigences multiples et contraignantes, le journalisme de solutions n’apparait pas non plus comme un journalisme « pépère ».
Sauf que le journalisme intellectuellement plus confortable qui consiste pour l’essentiel à courir après l’actu, n’est pas vraiment bankable.
Contrairement au JoSo qui, à rebours des idées reçues, attire de l’audience et de l’engagement.
La solution, c’est viral
En 2010, Jonah Berger et Katherine L. Mikman, deux chercheurs en marketing de l’université de Pennsylvanie, ont fait une découverte majeure qui a balayé des décennies de dogmes journalistiques. Non, les lecteurs ne sont pas plus attirés par les informations négatives. Et non, ils ne les mémorisent pas plus facilement. Pour en arriver à cette conclusion, les deux chercheurs ont étudié 7000 articles publiés par le New York Times. L’étude est complète et complexe. Mais il en ressort d’abord que les articles les plus partagés et appréciés étaient ceux qui suscitaient de l’émotion. Attention ! Pas forcément de l’émotion positive : la colère ou la peur sont aussi des sentiments très viraux et on l’a constaté à maintes reprises, des gilets jaunes aux antimasques en passant par toutes les nuances complotistes.
Mais il ressort aussi des travaux des deux chercheurs que les articles positifs et surtout pratiques atteignaient les mêmes scores.
Les travaux ont eu un très grand retentissement dans les médias américains puis européens en provoquant de nombreuses vocations. Le Huffington Post a lancé une section good news et le Washington Post a conçu une newsletter « the Optimist » qui existe toujours fin 2020 (et qui est passionnante).
Depuis d’autres études ont conforté les tendances observées par les deux chercheurs en marketing comme ce « pouvoir du journalisme de solution » réalisé par le SJN (et traduit par Reporter d’Espoir) qui montre que la couverture de solutions favorise l’engagement des lecteurs par rapport à des articles comparables sans solution. Le lecteur de JoSo a envie d’en savoir plus sur le sujet, de partager l’article et de lire d’autres sujets du même média.
“Good news is good business”
Le JoSo, à condition qu’il soit bien fait est en fait un formidable levier de croissance. Ce n’est pas un hasard si les rubriques JoSo des médias mainstream perdurent après de nombreuses années.
L’expérience la plus concluante est probablement celle menée par le quotidien régional français Nice Matin. Dès la première année, les abonnements numériques ont progressé de 50%. Après trois ans d’expérience, voici les résultats tel qu’ils ont été résumés par Damien Allemand, le responsable digital du média dans un article sur Medium :
- Augmentation de plus de 600% du nombre d’abonnés en 3 ans
- Diminution du taux d’attrition par 3
- Près de 15 millions de vidéos vues sur Facebook (le top 10 des vidéos de Nice-Matin est trusté par 6 vidéos “Solutions”)
- Un temps de lecture moyen proche de 7 min (contre 2’ pour les autres articles)
- Un taux de conversion en abonnement supérieur à n’importe quelle autre verticale
Nous reviendrons dans l’épisode 11 sur la méthode gagnante de Nice Matin.
Des clics et du référencement
Hélène Doubidji est directrice de TogoTopNews à Lomé. Dans son site d’actus, elle a mis en place une rubrique baptisée « Solution & Solidarité » qui se démarque dans un paysage médiatique national (et sous-régional) très axé sur la politique et le factuel. Et ça marche ! Alors que ses articles sur les solutions prennent la forme de reportage texte et photos et demandent du temps sur le terrain, ils cumulent les clics, les partages sur les réseaux sociaux et les commentaires. Les articles qui paraissent dans cette rubrique sont régulièrement en tête du trafic mensuel. Et de plus, souligne Hélène Doubidji, « ce sont des articles froids qui procurent un trafic régulier ».
Facebook est bienveillant avec le JoSo et les infos positives en général. Google aussi : quand ça va mal, on recherche ce qui va mieux. Il suffit d’observer sur Google trends les indicateurs les plus parlants. Dans le monde francophone, l’occurrence « bonnes nouvelles » a explosé à partir du premier mort du coronavirus et sa progression s’est accélérée dès l’annonce du premier confinement.
À méditer
- Existe-t-il dans votre média, un espace pour les infos constructives au sens large : bonnes nouvelles, initiatives, role models et/ou JoSo stricto sensu ?
Essayez de traiter un même sujet avec deux angles différents. Un angle dramatique et un traitement solution. Publiez et regardez ce qui fonctionne le mieux sur les réseaux sociaux et sur Google.
Un projet porté par CFI en partenariat avec France Médias Monde