Journalisme de solution

05. Attention aux faux JoSo ! /

Détracteurs comme partisans du journalisme de solution, confondent souvent ce nouveau genre journalistique avec d’autres manières de traiter l’info.

Bisounours ! C’est le quolibet le plus souvent utilisé quand il s’agit de brocarder les adeptes du journalisme de solution. Pour les sceptiques habitués au journalisme « classique », chercher des solutions aux problèmes, c’est nier les problèmes. C’est voir le monde avec des lunettes roses. C’est raconter des histoires de trains qui arrivent à l’heure. C’est décrire l’actualité heureuse des gens gentils pour un public béat.

Sauf que le journalisme de solution ce n’est pas ce journalisme monochrome, un peu facile et bébête. Et le meilleur moyen de savoir ce que c’est…. c’est probablement de lister ce qu’il n’est pas.

Le JoSo n’est pas un journalisme de bonnes nouvelles

En fait, le journaliste qui cherche des solutions ne se préoccupe même pas vraiment des nouvelles. Il est hors agenda médiatique. Les problèmes auxquels ils s’attaque sont le plus souvent structurels.

Mais pourtant, on confond souvent le JoSo avec les good news. Et c’est vrai que les enquêtes orientées solutions se transforment souvent en bonnes nouvelles, elles sont instructives et optimistes.

Mais ce n’est pas le but.

À la limite, on peut faire une enquête solutions… sans trouver de solutions qui fonctionnent vraiment. Mais cet échec est aussi instructif !

La différence entre le journalisme de solutions et le journalisme de bonnes nouvelles, c’est qu’une bonne nouvelle, c’est factuel. Il n’y a pas besoin d’enquête pour annoncer que l’équipe nationale a gagné un match ou que des inventeurs ont trouvé moyen d’enlever la buée sur les lunettes quand on porte un masque. 

Ces bonnes nouvelles valent certes le coup d’être relatés… Pourtant elles ne sont pas reproductibles. Ce ne sont donc pas des solutions. Ce sont juste – et c’est déjà pas mal – des infos qui font du bien. Mais les infos solution, ah, c’est bien plus difficile à trouver…

Le JoSo n’est pas une opinion

Quand on commence à sensibiliser une rédaction au journalisme de solution et qu’on demande des idées de sujets, bien souvent on a juste… des idées. Face aux problèmes, tout le monde a une opinion, et les journalistes ne sont pas les derniers à vouloir les partager.

Mais il y a des espaces pour ça : l’édito, la tribune, le billet. 

Le journalisme de solutions n’est pas une opinion. Il est basé sur des faits et des personnes qui agissent.

Tout le monde a le droit d’avoir des idées. Tout le monde peut être tenté par cette certaine facilité intellectuelle : il n’y a qu’à produire plus ou consommer moins, augmenter les impôt ou les baisser, renforcer le pouvoir des juges ou le limiter… Bref, « YaKafauKon ».

Les opinions sont respectables et la liberté d’expression est un droit fondamental. Mais une idée n’est pas une solution tant qu’elle n’a pas été appliquée et surtout validée.

Le JoSo n’est pas une réflexion

Pour trouver des solutions, il faut souvent des experts. Mais pas toujours et pas que.

L’expert n’est qu’une partie de la solution et ses analyses ne sont pas des preuves, tant qu’elles ne sont pas sanctionnées par le terrain.

Par exemple un expert peut expliquer que les inondations sont provoquées par le réchauffement climatique, l’urbanisation croissante, l’aridité des sols et l’artificialisation des rives et qu’il faudrait par conséquent, une autre politique d’aménagement des rivières et des fleuves. Mais son explication ne devient une solution que si elle illustrée par un reportage dans un territoire qui a réussi à conjurer ou limiter les inondations en réaménageant les rives pour qu’elles deviennent plus résilientes face aux précipitations dramatiques.

Le JoSo n’est pas un super héros

« Elle protège les derniers grands singes », « Il transforme les poubelles en or », « Il a sauvé des centaines de vies »… Les titres ne sont pas toujours squattés par les affreux dictateurs, les élus corrompus et les psychopathes en liberté. Face à ces super vilains, nous croisons régulièrement des super héros et des super héroïnes, à l’histoire exemplaire, à l’abnégation remarquable et à l’altruisme admirable. Certains finissement Prix Nobel et certaines ne tardent pas être canonisées de leur vivant.

Ces « role model » sont des figures récurrentes et inspirantes. Mais ce ne sont pas des solutions. Le principe du super héros, c’est qu’il est singulier. Son action est rarement reproductible à moins d’être dotée de super pouvoirs.

Il n’y a eu qu’un seul Mandela…

Bien sûr, tous les personnages médiatiques n’ont pas une stature aussi intimidante. Mais le fait de les glorifier en insistant sur ce qu’ils sont, occulte souvent ce qu’ils font.

Le journalisme de solutions s’attache moins aux individus qu’à leurs actions : des actions qui peuvent être dupliquées, à condition d’être expliquées.

Le JoSo n’est pas non plus une religion…

Bonnes nouvelles, opinions, réflexions, super héros… toutes ces déclinaisons du journalisme positif ne sont cependant pas contradictoires avec le journalisme de solutions. On pourrait presque les considérer comme complémentaires. Certains médias mixent d’ailleurs tous ces types de journalisme pour créer un écosystème de nouvelles constructives.

Mais ce n’est pas ce type de journalisme que nous étudions dans cette série. 

Pour raconter une bonne nouvelle, il suffit de savoir écrire un article factuel.

Pour tracer l’itinéraire d’un personnage remarquable, il faut savoir réaliser un portrait.

Pour expliquer une solution, on fait appel à d’autres compétences.

Le journalisme de solutions est une discipline exigeante qui se rapproche du journalisme d’investigation.  C’est une méthode qui s’est progressivement affinée au fil des années et que nous allons continuer à explorer dans les prochains épisodes.

Points à méditer

  • Regardez l’actualité du jour et sélectionnez une thématique, si possible dramatique. Imaginez toutes les déclinaisons de cette thématique : édito « moralisateur », bonne nouvelle dans le flot de mauvaises, recherche de « roles models », article d’analyse, reportage de solutions.
  • Explorez les médias qui pratiquent un écosystème et voyez si votre média pourrait s’en inspirer. Par exemple, abonnez-vous à la newsletter de 20 minutes « restez positifs avec nous » qui mixe bonnes nouvelles, initiatives, messages d’entraides et« role models. »
  • Regardez l’écosystème de la rubrique « upside » du Guardian ou les good news côtoient les articles authentiquement « solutions », les éditos, les analyses…

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