12. Le JoSo Afro /
Au Sénégal, une Tchadienne invente le journalisme de solution à l’africaine avec des Congolais, des Burkinabè, des Togolais… Et partout sur le continent, des initiatives pour le JoSo afro voient le jour.
Ces dernières années, le journalisme de solution s’est déployé dans des dizaines de pays. Particulièrement en pointe sur le sujet, les États-Unis, la France et le Danemark ont exploré ce nouveau genre journalistique en le diffusant dans les médias et les écoles de journalisme. Du Mexique au Bengladesh, des titres du monde entier se sont appropriés les outils du JoSo.
Seule l’Afrique a semblé longtemps à la traîne de ce mouvement mondial. Le continent s’est longtemps résumé médiatiquement à une cohorte de mauvaises nouvelles : famine, guerre, maladie, corruption, etc. Et les bonnes nouvelles que les médias africains savaient produire se confondaient souvent avec la propagande….
Mais, ouf, du Cap à Tanger, c’est en train de changer. Le journalisme de solution émerge timidement mais partout sur le continent.
StopBlaBla, des paroles aux actes
L’initiative la plus récente, et probablement la plus ambitieuse a vu le jour au Sénégal et porte un drôle de nom : StopBlaBla. Parce que, pour sa fondatrice Aché Attimer Youm, l’Afrique, ce n’est pas seulement un continent à palabres : « C’est le moment d’aller au-delà du blabla factuel, de tous ces articles déprimants ou vides de sens. Et d’apporter de l’équilibre dans notre écosystème médiatique en mettant aussi en lumière les actions et les initiatives. »
StopBlaBla.com, c’est donc à la fois un média qui produit du JoSo et qui assure la curation de toute la production sur le continent, une ONG qui promeut le journalisme de solution dans toute l’Afrique francophone et un organisme de formation.
Avec le « Tour d’Afrique des solutions », la plateforme propose aux médias africains de partager leurs reportages solutions autour d’une même thématique : la lutte contre les inondations qui inaugure la rubrique rassemble par exemple des reportages du Burkina-Faso, de RDC et du Tchad.
Les racines du Joso Afro
Pour StopBlaBla, le journalisme de solution doit s’adapter aux réalités africaines. Si STBB applique les 4 critères du SJN et les 12 paramètres définissant une information utile et d’intérêt collectif mis au point par l’association Information pour le monde suivant (voir épisode 15), le média ONG veut inscrire cette pratique dans le contexte africain. Et pour cela s’inspirer des techniques de solutions qui existent déjà sur le continent à l’image des parentés à plaisanteries qui désamorcent les tensions tribales en Afrique de l’Ouest ou des techniques de réconciliation qui perdurent en Afrique centrale.
Les atouts du JoSo Afro
Dans certaines zones d’Afrique, comme dans tous les pays où la liberté de la presse n’est pas totalement acquise, le journalisme de solution est un moyen malin de faire avancer les dossiers. Une technique au moins aussi efficace (et souvent moins risquée…) que l’exigence de redevabilité, le plaidoyer ou le fact checking.
Aché Attimer Youm résume ça très bien : « Avec le JoSo, nous avons tous les ingrédients pour interpeller nos décideurs par l’exemplarité, en montrant concrètement comment certains pays s’en sortent et comment l’adapter dans nos contextes. Il est temps d’arrêter de montrer du doigt les failles du système et de contribuer activement à son amélioration ».
Pour ça, StopBlaBla travaille aussi à mettre en place un mouvement des « proposants » : « ni du pouvoir, ni de l’opposition, nous sommes le mouvements des propositions ». Ces proposantes et proposants vont sur le terrain, repèrent les problèmes, collectent des infos sur les solutions, les restituent localement et les proposent aux décideurs.
Ce n’est certes plus du JoSo stricto sensu. Mais la démarche est bien complémentaire.
Un continent de solutions
StopBlabla n’est pas la seule initiative africaine. On a vu dans l’épisode 10, comment les Congolais de Kandidi expérimentaient le JoSo à la radio en mêlant habilement la fiction, les reportages, les plateaux et les interventions d’auditeurs.
L’Afrique anglophone n’est pas en reste. Dans la région des grands lacs, les Ougandais de Média Challenge Initiative ont créé un centre de formation totalement axé sur le journalisme de solution avec un credo : « Nous croyons qu’un bon journalisme peut rendre le monde meilleur ».
Enfin, le SJN (Solution journalism Network) qui travaille déjà avec plusieurs journaux anglophones comme Nigeria Health Watch et Science Africa (au Kenya) se déploie en Afrique en 2021 avec un manager régional basé au Nigéria et qui se concentre sur les sujets santé.
Le SJN intervient aussi par l’intermédiaire d’un autre programme qui dure jusqu’en 2024 : le LEDE Fellowship.
Cette bourse accompagne, parraine et finance (à hauteur de 3,500 $) des entrepreneurs qui s’engagent dans le journalisme de solutions. L’objectif de ce programme étant d’encourager le networking entre ses membres et la diffusion de la « culture JoSo ». Le LEDE Fellowship a ainsi accompagné lors de sa première promo en 2019/2020 différents projets made in Africa. Outre Media challenge Initiative cité plus haut, le SJN a aussi parrainé :
- Une journaliste égyptienne qui a lancé egab.co, une plateforme pour aider les jeunes journalistes d’Afrique et du Moyen-Orient à publier des articles JoSo dans les médias régionaux et internationaux.
- Un journaliste ougandais qui a monté au Nigéria Minority Africa, un site de contenus solutions sur les minorités presque invisibles dans les médias mainstream sur le continent (LGBTQ+, albinos…).
À méditer si vous avez l’âme JoSo afro
- Vous voulez développer un projet JoSo ? Qu’attendez-vous pour postuler au LEDE Fellowship….
- Vous êtes dans une rédaction francophone et vous voulez introduire le JoSo ? Qu’attendez-vous pour contacter StopBlaBla
- Vous voudriez proposer un reportage arabophone ? Allez-vite le proposer sur egab.co
Vous êtes anglophone et vous voulez vous lancer dans le SoJo en Afrique ? Allez-voir Media Initiative Challenge !
Un projet porté par CFI en partenariat avec France Médias Monde