10. Le JoSo en radio /
Les rendez-vous du journalisme de solution sur les ondes sont encore trop rares. Tout reste à inventer. Et c’est en Afrique qu’on commence à explorer de nouvelles narrations.
C’est le média le plus rapide, le plus direct et, dans de nombreux pays, le plus développé. Mais ce n’est pas le canal de diffusion privilégié des adeptes du journalisme de solution. Il y a relativement peu d’exemples d’émissions consacrées au journalisme de solution et très peu de chroniques. En fait lorsque les solutions sont mises en avant par les journalistes ou les animateurs radios, c’est très souvent dans le cadre d’un rendez-vous spécialisé : environnement, santé, sciences, économie. C’est le cas de l’émission scientifique « La terre au carré » sur France Inter ou sur l’hebdo écolo « C’est pas du vent » sur RFI. L’aspect solutions n’y est pas systématique mais il est récurrent.
Sur les radios françaises, deux personnalités s’affirment cependant comme les défenseurs de ce journalisme constructif. Philippe Bertrand et Patrick Longchampt. Tous deux privilégient un format d’entretiens.
Enfin, c’est en RDC qu’on trouve probablement les programmes les plus novateurs avec des mini fictions en prime.
Les atouts du JoSo en radio
La réactivité des auditeurs. Sur France Inter, chaque jour dans « Carnet de campagne », Philippe Bertrand sollicite les auditeurs région par région pour repérer les initiatives locales : le réseau associatif, culturel, coopératif et tout ce qui relève de l’économie alternative… Les auditeurs écrivent pour décrire leurs activités.
Sur la radio chrétienne RCF, avec « Je pense donc j’agis », Melchior Gormand divise en deux son émission matinale de deux heures. La première heure, on creuse un sujet, souvent d’actu, avec des experts. La deuxième heure, on entre dans l’action et on fait appel aux acteurs de terrain et aux témoignages d’auditeurs.
Le relais du local. La radio, même nationale, trouve des solutions locales. Résumé par Philippe Bertrand : « Si on avait des solutions nationales venant du haut, ça se saurait. Ce ne sont pas les décrets et les lois qui fabriquent le bien vivre. C’est toute l’armée des invisibles qui fabriquent de nouveaux modes de vie, des alternatives, des options d’avenir et qui ont des difficultés à les faire remonter vers le haut ». En terme de solutions, la radio peut devenir un média ascendant.
C’est aussi la philosophie appliquée par Patrick Longchampt dans son émission. Sur Sun, une radio locale à Nantes. Dans « Sun est que le début » le journaliste interviewe ceux qu’il appelle « des acteurs du changement » qui veulent changer le monde en appliquant les 15 objectifs du développement durable, de la startup à l’association en passant par des grandes entreprises.
Le temps de l’écoute. L’avantage de la radio, c’est le temps. Dans « L’éco des solutions » sur RCF Patrick Longchampt a une heure d’antenne pour aller au fond des sujets avec ses invités : « Ils peuvent plus facilement développer leurs arguments. On n’est pas pollué par l’image. D’ailleurs, quand des chaines télés veulent développer des émissions de solutions, elles créent un podcast. » C’est le cas de la chaîne d’info LCI dont la journaliste de solutions Sylvia Amicone a lancé « Impact Positif », un podcast où elle peut consacrer une quarantaine de minutes à ses invités…
Le JoSo radiophonique congolais de Kandindi
Manque d’assainissement des ordures et eaux usées, violation des droits de l’Homme, braquages, enlèvements, viols, déforestation par le charbon de bois, tracasseries administratives, arrestations arbitraires… le menu des premières émissions « Agir Ensemble » de Kandindi retransmises dans différentes radios de RDC ressemble à un catalogue de tous les maux qui frappent l’Afrique. Sauf que cette litanie de problèmes n’est pas du tout déprimante à écouter. Au contraire.
Certes, il y a des reportages édifiants sur les conditions dramatiques que vivent les populations. Mais ils sont contrebalancés par d’autres sujets sur des initiatives. Et analysés en fil rouge par un expert. L’autre touche de Kandindi, c’est que ces émissions sont introduite par l’extrait d’une autre émission « Mbongwana », qui reprend sous forme de sketches la thématique du problème. Puis les émissions en français sont traduites en langues nationales dans les radios locales. Et elles sont accompagnés d’un « feedback » avec des interventions d’auditeurs.
C’est drôle, profond, interactif : c’est le meilleur du JoSo en radio. Le concept est accompagné par Patrick Busquet du réseau Informations pour le monde suivant (voir épisode 15) et financé par la coopération suédoise et américaine. Et il est très inspirant…
À méditer avant de programmer
- Quel format pouvez-vous privilégier sur votre antenne ? Y-a-t-il des émissions dans lesquelles pourraient se glisser des rendez-vous JoSo ?
- Que pouvez-vous demander à votre audience ? De idées ? Une banque d’initiatives ? Des témoignages ?
- Petit exercice : passez directement à l’épisode 13, recensez les tensions qui minent votre pays et imaginez une émission de débat constructive avec des questions que vous ne posez jamais…
Un projet porté par CFI en partenariat avec France Médias Monde