Journalisme & santé

10. Eliott Brachet, le système de santé au Liban /

Nous le savons tous et toutes, depuis de nombreuses années, le Liban est plongé dans une crise économique sévère. Une crise qui, en 2020 a été aggravée par la pandémie de la Covid-19 ainsi que par une explosion, en août 2020, dans le port de Beyrouth, laissant près de 300 000 personnes sans logement.

Rencontre avec Elliott Brachet, journaliste au service International de RFI qui dès mars 2020 s’inquiétait des capacités du système de santé Libanais.

Elliot Brachet – Journaliste – Liban

Un service international est une sorte d’observatoire qui fait de la veille sur l’actualité internationale, et à tout moment, peut envoyer des journalistes sur place pour recouper de l’information pour amener des témoignages et des reportages.

Son enquête sur l’arrivée de la pandémie de la Covid-19 au Liban a révélé un système de santé au bord de l’effondrement.

Elliot Brachet – Journaliste – Liban

Il y a eu plusieurs phases, la première phase était le couvre-feu total dans le pays, confinement général. Le pays a fermé ses frontières. On était plutôt dans une étape de grosses mesures prises par crainte. Une crainte immense qu’il y ait des pics d’épidémie qui submergent les services de santé. Il faut remettre dans le contexte que le Liban traversait déjà une crise économique majeure et sans précédent dans son histoire depuis plusieurs mois, doublée d’une crise politique, sociale, avec une succession de gouvernements, et des manifestations massives. Le pays ne peut plus rembourser ses dettes, il importe tout son matériel médical : les médicaments, les appareils respiratoires pour les hôpitaux. En quelques mois, la situation a basculé. Les contaminations ont augmenté, les Libanais sont rentrés de l’étranger.

Un système hospitalier d’autant plus déstabilisé après l’explosion du port de Beyrouth, le 4 août 2020.

Elliot Brachet – Journaliste – Liban

Quatre hôpitaux vont fermer, soufflés dans l’explosion. Les services de réanimation se remplissent non plus de patients de la Covid-19, mais de patients en état d’urgence totale liée à l’explosion. L’hôpital Saint George ferme, il était quasiment en première ligne. Il accueillait 20% des patients hospitalisés pour cause de la Covid-19.

Le principal hôpital, Rafic Hariri, qui était en première ligne au début de l’épidémie, a aujourd’hui 34 personnes en réanimation pour 29 lits. Il est probable que les hôpitaux soient saturés. C’est déjà le cas aujourd’hui. On refuse à certains les services de soins intensifs ou de réanimation, et on les garde dans les services d’urgence, car il n’y a pas assez de respirateurs ou de lits disponibles.

Selon Eliott Brachet, l’avenir du système de santé libanais est aujourd’hui étroitement lié à la situation économique du pays.

Elliot Brachet – Journaliste – Liban

Il y a une grande crainte, qui est d’abord que les hôpitaux ne puissent plus payer leur personnel qui fatigue. Avec cette crise économique, les hôpitaux paient en livres libanaises qui ont perdu de leur valeur.

Le personnel soignant risque donc de s’essouffler complètement. Il y a un risque de capacité dans ce système hospitalier. Si la situation économique ne s’améliore pas, les hôpitaux qui se voient déjà aujourd’hui face à des pénuries de médicaments et de matériel, auront plus de difficultés, et on aura plus de cas de coronavirus mais moins de moyens, et la situation peut vraiment se compliquer.

Au-delà des conditions sanitaires, le Liban doit aujourd’hui relever des défis économiques et politiques majeurs.

Elliot Brachet – Journaliste – Liban

Il y a une question au Liban qui est assez intéressante. Jusqu’ici, ils ont été plutôt épargnés, mais il y a des dizaines de camps de réfugiés, dans lesquels on a une promiscuité immense entre des milliers de personnes, notamment des Syriens, mais aussi des camps palestiniens sur le territoire libanais.

Il y a une vraie crainte qu’en cas d’arrivée du coronavirus dans ces camps, le nombre de cas explose.  

La situation économique actuelle est déplorable. L’inflation est énorme, les prix changent tous les jours. Les produits au Liban sont quasiment tous importés donc la vie de tous les jours devient difficile. On a même assisté, pendant le confinement, à des manifestations dans la rue qui étaient des manifestations de la faim. Des chauffeurs de taxi, des vendeurs ambulants qui exprimaient que leur préoccupation n’était pas la Covid-19 mais l’économie.

Le confinement a contraint les journalistes des services internationaux à mener leurs enquêtes à distance.

Elliot Brachet – Journaliste – Liban

Par mon expérience, quand je vivais à Tripoli au Liban, j’avais des contacts que j’ai pu activer, avec qui j’ai discuté chaque jour pendant la crise. Ça va d’une infirmière à un brancardier, mais aussi des directeurs de service, ou d’hôpitaux, avec qui on va échanger, on va suivre l’évolution. On recoupe ces informations avec les chiffres officiels publiés par le gouvernement, qui sont accessibles à tous. Il faut aussi regarder certains groupes de recherche, qui vont publier des données en libre accès. Je pense qu’il faut vraiment multiplier les sources, c’est-à-dire même sur des groupes Facebook il y a eu des campagnes citoyennes de Franco-Libanais qui montaient des cagnottes pour amener des médicaments de la France au Liban. Ce sont des initiatives intéressantes à observer.

Pour mener ses enquêtes, Eliott Brachet a passé des heures dans les couloirs des hôpitaux, le micro ouvert, à noter ses impressions.

Elliot Brachet – Journaliste – Liban

Souvent, quand on est en reportage radio, on arrive à la fin de  l’interview, on pense avoir posé ses dernières questions, préparées ou spontanées, et c’est plutôt dans les minutes d’après les moments de discussion presque informelle, où la personne va parfois mieux raconter ce qu’elle a dit pendant l’interview.

Elle va être beaucoup plus naturelle, nous livrer un peu plus d’informations. Ne pas se chronométrer, prendre du temps en rencontrant les gens et en discutant. Je vous le conseille.

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