Journalisme & santé

07. Traitement de l’information : vrais et faux remèdes contre la COVID-19 /

La pandémie de la Covid-19 est bien sûr l’information santé de l’année 2020. Dès la découverte du SARS-CoV-2 à Wuhan, les idées de traitements ont fait florès sans pour autant faire l’objet d’une quelconque validation scientifique.

Nous avons tous en tête l’hydroxychloroquine prônée par le Pr Raoult. Mais nous pourrions évoquer tout un catalogue de produits et de méthodes promues par certains médecins et certains gouvernements à travers le monde, comme le « Covid-Organics»  mis en avant par le gouvernement malgache, un remède traditionnel amélioré composé d’artemisia (une plante traditionnellement utilisée dans la pharmacopée asiatique et africaine pour lutter contre le paludisme) et d’autres plantes médicinales endémiques. On pourra également évoquer la dornase alfa, employée habituellement pour traiter les maladies pulmonaires chez les personnes atteintes de mucoviscidose proposée en Turquie. Ou encore le «Tan Re Qing» en Chine, destiné aux patients gravement atteints. La recette ? Bile d’ours et poudre de corne de chèvre et d’extraits de plantes.

Comment, lorsqu’on est journaliste, informer sur la recherche pharmaceutique en cours ? Comment prévenir les risques d’une prise de médicaments inadaptée et éviter les faux espoirs en tenant compte des contraintes, du contexte socio-économique et culturel et d’éventuelles pressions politiques ? Ces sont les questions que nous avons posées à nos experts,  

Olivier Marbot, journaliste depuis plus de 20 ans qui travaille aujourd’hui à la Revue un bimestriel qui dépend du groupe Jeune Afrique, Caroline Paré, journaliste et animatrice de l’émission Priorité Santé sur RFI.

Caroline Paré – Journaliste – RFI – France

Bonjour, je suis Caroline Paré, je suis journaliste à RFI, et je présente l’émission ‘Priorité Santé’ tous les matins du lundi au vendredi depuis Issy-Les-Moulineaux, où se trouvent les studios de FMM.

Olivier Marbot – Journaliste – Jeune Afrique – France

Bonjour, je m’appelle Olivier Marbot, je suis journaliste à Jeune Afrique, chef de la section qui s’appelle ‘L’Enquête’, qui traite des sujets transversaux panafricains qui sont assez variés. J’habite en proche banlieue sud parisienne à Arcueil, et je travaille à Jeune Afrique au sud de Paris également, dans les beaux quartiers, dans le 16e arrondissement.

Caroline Paré – Journaliste – RFI – France

À ce jour, il n’y a aucun traitement efficace prouvé comme tel contre le coronavirus. On a suivi les différentes études qui étaient en cours, avec différents produits et médicaments utilisés avant pour d’autres maladies, et qui ont été utilisés cette fois pour lutter contre les complications de la Covid-19.

Olivier Marbot – Journaliste – Jeune Afrique – France

Ce qui nous intéressait, bien qu’on soit implantés à Paris, c’était les traitements africains, en tout cas ceux qui étaient utilisés en Afrique dès le début de la pandémie. On en a entendu parler en France avec le professeur Raoult qui en faisait la promotion. Ça a eu un écho fort en Afrique, puisqu’on est très habitué là-bas au traitement anti-palu. Puis on s’est beaucoup intéressés aussi aux solutions ‘africaines’. C’est-à-dire la médecine traditionnelle, l’usage de plantes comme l’artemisia.

Caroline Paré – Journaliste – RFI – France

Dans ‘Priorité Santé’, on parle de médecine traditionnelle tous les jours. Puisqu’on a un pont nord-sud, on donne la parole de façon quotidienne à des médecins du continent, aux auditeurs qui disent qu’ils vont chez le tradi-praticien. Et surtout, un problème lié à la médecine traditionnelle : ça conduit souvent au retard de soin pour des problèmes critiques.

Olivier Marbot – Journaliste – Jeune Afrique – France

On est toujours partagés, mais ce n’est pas spécifiquement africain, il y a toujours cette dimension un peu irrationnelle, un peu magique, folklorique. On est face à des gens qui expliquent que ces traitements marchent, et en face, on a des institutions type Organisation mondiale de la Santé, Africa CDC. On s’adressait à des médecins africains qui sont actifs sur le continent et avaient l’expérience d’autres épidémies, comme Ebola, ou des choses moins graves.

Caroline Paré – Journaliste – RFI – France

Ces nouveaux médicaments, ils y ont souvent accès bien plus tard. On va en parler du point de vue de la recherche, mais pas du point de vue des applications. Sauf sur des thérapeutiques très pointues, très ciblées, comme les thérapies ciblées contre le cancer, dont on parle. Mais là, plus d’un point de vue de la recherche que d’application générale.

Olivier Marbot – Journaliste – Jeune Afrique – France

On atteint nos limites, on n’est pas médecin, pharmacien, chercheur ou chimiste. On relaie le plus honnêtement et objectivement possible les diverses voix qui s’expriment là-dessus. Pour l’hydroxychloroquine vantée par le Pr Raoult et dont tout le monde parlait en Afrique, certains nous mettaient en garde. Je parle de la période d’avril et mai. Il n’y a pas eu d’étude clinique ou randomisée. J’ai trouvé que ce n’était pas facile de travailler avec l’OMS. Ils ne sont pas toujours faciles à avoir et ils sont d’une prudence digne d’une organisation internationale onusienne. On leur soumet des hypothèses, et la réponse est toujours : ‘Pas sûr, il faut vérifier, on saura dans 2 ans.’ Travailler avec les principaux concernés, les populations africaines. ‘Nous les Africains, on ne peut pas attraper la Covid-19 ‘parce qu’on a trop de mélanine.’ Ou ‘Moi j’ai déjà eu Ebola, donc je ne peux pas l’avoir.’ Encore une fois, c’est universel, les gens sont convaincus de choses parfois délirantes dont ils ne démordront pas.

Caroline Paré – Journaliste – RFI – France

On peut aller sur les réseaux sociaux chercher de l’information, également sur notre page Facebook, où il y aura des auditeurs, des soignants, des infirmiers, qui donnent des informations précises directement issues du terrain. En tout cas, on se documente, on lit énormément avant l’émission. Personnellement, je lis environ 3 livres par semaine, 3 livres médicaux, ça fait beaucoup de lecture.

Olivier Marbot – Journaliste – Jeune Afrique – France

Là-dessus, je trouve que l’OMS, l’Africa CDC, pour ce que je connais, ont fait du bon boulot. Ils ont mis des choses en ligne, renvoyant à des liens d’universités, c’était plutôt pédagogique.

Caroline Paré – Journaliste – RFI – France 

Une des bases de notre émission, c’est de donner la parole aux experts. Pour ça, on a un agenda très touffu. C’est celui depuis des années de ‘Priorité Santé’. Avant moi, derrière le micro, il y avait Claire Hédon. Avant elle, Colette Berthoud. Tout ça a permis d’avoir un maillage, un réseau de médecins en Afrique, spécialisés dans les épidémies, les maladies tropicales. Autant dire qu’au moment où le virus est arrivé de Chine, on avait déjà toute une série de spécialistes dans nos fichiers. On les connaît depuis longtemps, et on n’a eu aucun mal à les avoir à l’antenne.

Olivier Marbot – Journaliste – Jeune Afrique – France

J’ai fait appel à des experts pour traiter le sujet Covid, bien sûr. Souvent des médecins africains, mais pas uniquement. Très majoritairement africains, mais pas uniquement, car on a interviewé le Pr Raoult. Des gens de l’OMS, car ce sont ceux qui ont la vision la plus large. Des gens d’Africa CDC, l’équivalent de l’OMS pour l’Union africaine.

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