Journalisme & santé

09. Carole Isoux, la médecine traditionnelle chinoise /

À travers le monde, il existe une complémentarité, parfois un antagonisme entre la médecine traditionnelle locale et la médecine moderne souvent dite « occidentale ».

C’est le cas en Inde avec l’ayurveda, c’est aussi le cas en Chine avec la médecine traditionnelle chinoise qui regroupe l’acupuncture, le massage, la diététique, la pharmacopée et le QiGong.

Couramment appelée MTC, cette thérapeutique ancestrale peine à prouver son efficacité avec les méthodes scientifiques actuelles. Pourtant, elle compte de nombreux adeptes dans toute l’Asie mais aussi en Afrique, au Moyen-Orient et en Occident.

Le sujet des médecines traditionnelles est difficile à traiter pour des journalistes santé nourris à l’evidence based medicine, c’est à dire la médecine qui s’appuie sur les données factuelles de la science et les consensus scientifiques. Cette difficulté est d’autant plus manifeste que la MTC tient un rôle politique majeur pour la Chine, où ses contradicteurs s’exposent à des sanctions pénales.

Discutons MTC et journalisme avec Carole Isoux, correspondante en Asie du Sud Est depuis une dizaine d’années, après un passage en Chine. Elle couvre l’actualité de la zone pour les médias français (BFM, Ouest-France, l’Obs, Europe 1…) et internationaux (South China Morning Post). Elle est également présidente de l’antenne thaïlandaise de l’Union Internationale de la presse francophone (UPF).

Basée à Bangkok depuis 10 ans, Carole Isoux est spécialiste des sujets santé dans l’Asie du Sud Est. Après l’obtention d’une bourse de l’Union Européenne, elle se spécialise dans l’actualité de la médecine traditionnelle.

Carole Isoux – Journaliste – Thaïlande

La médecine traditionnelle chinoise, ici, en Asie, c’est une branche de la médecine. Puisque même dans un hôpital de médecine occidentale moderne avec de l’imagerie moderne, il y a toujours un département de médecine chinoise, et les deux départements collaborent. Par exemple, près de 90% des malades de la Covid-19 ont reçu, seul ou en complément d’un traitement moderne, un traitement de médecine traditionnelle chinoise.

Ce sont des médecines qui sont moins chères, donc dans des pays assez pauvres comme le Laos ou certains pays africains, cette médecine traditionnelle représente toujours une partie très importante des pratiques médicales, alors que si on parle de la perspective européenne, ce n’est pas du tout reconnu comme une médecine valable.

En 2019, l’Organisation Mondiale de la Santé consacre un chapitre à la médecine traditionnelle chinoise.

Carole Isoux – Journaliste – Thaïlande

Ça offrait ainsi une visibilité, une légitimité inédite à la discipline, et ça a rencontré une levée de boucliers des médecins occidentaux qui ont parlé de sorcellerie sponsorisée par les États. La résistance est très forte, c’est lié à des enjeux financiers, mais aussi à des enjeux politiques et culturels.

Derrière une médecine, il y a toujours une façon de voir le monde, une pensée. Et la médecine chinoise qui s’étend dans le monde, qui prend de l’importance, quelque part, c’est aussi la pensée chinoise, la culture chinoise, qui étend sa sphère d’influence.

 Et ça, politiquement, surtout en ce moment c’est très sensible.

Carole Isoux consacre 60% de son temps de travail à la lecture d’ouvrages dans le domaine.

Carole Isoux – Journaliste – Thaïlande

J’ai essayé de choisir des experts capables d’expliquer leur discipline dans des termes compréhensibles, acceptables pour un lectorat occidental qui a déjà certaines références. Donc souvent, des médecins qui avaient une double formation en médecine occidentale et en médecine traditionnelle chinoise.

La MTC est une discipline vieille de 5 000 ans mais est encore très mal connue du monde occidental.

La difficulté des enquêtes traitant la MTC : ramener une preuve tangible.

Carole Isoux – Journaliste – Thaïlande

Par exemple, si on a pointé du doigt un produit, un médicament, un vaccin, là, évidemment, il y a souvent des conséquences. Les laboratoires n’aiment pas du tout la mauvaise publicité. Ils ont des services de presse très puissants.

Ce qu’on nous oppose quand on parle de la médecine chinoise c’est : « Oui, mais il n’y a pas de test à grande échelle ‘qui isole les produits’, puisque c’est ainsi que fonctionnent les tests en médecine occidentale. » Sauf qu’en médecine traditionnelle, ce sont des approches holistiques.

On ne donne pas le même médicament à un même patient selon son âge, où il habite, ses habitudes alimentaires, même. Donc c’est difficile de tester ça à grande échelle. Ne pas se laisser impressionner par l’argument selon lequel il n’y aurait pas assez de tests et qu’en l’absence de preuve on n’a pas le droit d’en parler, et continuer. Et de réfléchir vraiment aux enjeux politiques derrière ces choix de médecine.

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