Journalisme & environnement

09. Karachi noyé sous ses ordures : décryptage du journaliste pakistanais Asad Pabani /

Dans quel pays la gestion des déchets n’est-elle pas problématique ? Au Pakistan, la capitale économique Karachi est véritablement noyée sous ses ordures. Deux organisations s’efforcent de s’attaquer à cette poubelle à ciel ouvert, comme nous l’explique le journaliste Asad Pabani.

Asad Pabani – Journaliste – Pakistan

“Les personnes qui souffrent le plus des problèmes environnementaux sont souvent celles qui vivent dans la plus grande pauvreté.”


À Karachi, plus de 10 000 tonnes d’ordures sont produites chaque jour.

Ni les autorités de la ville ni le gouvernement provincial n’ont pu endiguer le problème de la gestion de ces déchets.

L’exécutif provincial a mandaté des entreprises chinoises pour gérer les ordures dans au moins deux des cinq districts de la ville.

Asad Pabani – Journaliste – Pakistan

“Faire appel aux Chinois était un simple stratagème que nos gouvernements emploient souvent pour montrer qu’ils s’attaquent à un problème.

Malheureusement, ils ont souvent recours à des stratagèmes au lieu de résoudre le problème, ce qui, au fond, serait plutôt simple. Cela demande simplement de la volonté politique. Il nous faut des zones de dépôt d’ordures désignées dans chaque quartier, depuis lesquelles les déchets seraient régulièrement collectés et acheminés vers les centres de tri ou des décharges.

Ce sont des choses simples qui ne sont pas faites, et je doute que le fait de déléguer ces tâches aux Chinois va résoudre le problème, si on ne fait même pas le plus fondamental.”


Des entreprises sociales spécialisées dans la gestion des déchets tentent d’endiguer le problème.

Asad Pabani – Journaliste – Pakistan

“Même les déchets collectés par la municipalité sont simplement déposés dans des décharges. Ils ne sont ni traités ni triés. Il existe une industrie de recyclage informelle, qui relève de l’exploitation, mais qui fonctionne plus ou moins. Malgré ça, un grand nombre de déchets qui pourraient être recyclés sont jetés dans les décharges.

Certaines organisations comme Saaf Suthra Sheher ou Trashit apportent des techniques de compostage ou de recyclage qui sont employées dans de nombreux pays du globe. Elles tentent de les appliquer au Pakistan, pour qu’au lieu de faire faire le tri par des ramasseurs de déchets recyclables, les gens fassent le tri à la source, et confient leurs déchets à ces entreprises de recyclage.”


Au Pakistan, les inégalités économiques ne font qu’empirer le manque de justice environnementale dans les pays en développement.

Asad Pabani – Journaliste – Pakistan

“Les zones les plus affectées par les problèmes de gestion des déchets s’appellent les « katchi abadis », ce qu’on pourrait traduire par le terme « bidonvilles ». Environ la moitié des habitants de Karachi et des autres villes du Pakistan vivent dans des bidonvilles. Ce sont ces zones qui sont les plus affectées par l’absence d’un vrai système de gestion des déchets.

C’est aussi souvent dans ces zones ou leurs environs que les déchets sont jetés illégalement. Au-delà du fait que les ordures y sont jetées, les décharges éliminent généralement les ordures en les brûlant. Cela affecte la qualité de l’air, ainsi que celle de la terre, aux alentours immédiats de leurs habitations.

Leur approvisionnement d’eau est souvent contaminé. C’est le Pakistan, et Karachi en particulier, qui sont les plus impactés.

J’essaye de discuter avec les entreprises impliquées dans ce genre d’activité sur le terrain.”


Pour mener ses enquêtes dans le domaine de l’environnement, Asad Pabani multiplie ses sources sur le terrain.

Asad Pabani – Journaliste – Pakistan

“Je m’adresse à des entreprises mais aussi à des organisations gouvernementales, en fonction du problème en question. J’essaye de parler à ces gens sur le terrain. Par ailleurs, je tâche de parler à des experts dans ce domaine. Par exemple, en ce qui concerne la gestion des déchets, j’ai contacté quelques urbanistes, qui ont bien plus d’expérience que moi dans le domaine. Je me rends également dans les décharges et autres sites de collecte de déchets, pour me faire une idée de ce qui s’y passe.

J’essaye aussi de faire mes propres recherches sur le terrain. La principale difficulté à laquelle je suis confronté dans mes recherches, c’est d’obtenir une vraie réponse du gouvernement. Ils sont plutôt réticents à nous parler lorsqu’on évoque des sujets négatifs, qu’on émet des critiques, ou qu’on souligne des défauts, et il est alors très difficile d’obtenir des informations pertinentes de leur part. 

C’est un gros problème, car au Pakistan, il y a très peu d’informations de source gouvernementale en accès libre sur Internet, il est donc impossible d’obtenir des informations par nos propres moyens sans l’aide des fonctionnaires.

Prenez des précautions de sécurité élémentaires, essayez de communiquer par des canaux de communications cryptés, comme WhatsApp ou Signal.

Réduisez au maximum l’empreinte numérique de votre travail, à moins qu’il soit absolument nécessaire qu’elle soit accessible après votre publication. Essayez d’avoir des contacts au sein du gouvernement, mais aussi à l’extérieur, car avoir des contacts vous sera toujours utile dans la rédaction de vos articles, quel que soit votre environnement.”

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