Journalisme & environnement

08. Comment parler du trafic d’animaux sauvages et de ses conséquences ? /

Comment parler du trafic d’animaux sauvages surtout que cette criminalité se déroule dans l’ombre ? Et de ses conséquences ? Les espèces ont beau être protégées, cette problématique est mondialisée. On la rencontre partout et, avec la COVID, c’est plus que d’actualité.

Le trafic d’ivoire reste sûrement le symbole le plus représentatif du trafic d’animaux sauvages. Ancienne, cette activité lucrative rapporte 400 millions de dollars par an selon le dernier rapport sur la criminalité mondiale liée aux espèces sauvages (le World Wildlife Crime Report 2020) de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) commandé par l’Assemblée générale des Nations unies. Lorsqu’on l’associe à la perte d’habitat et à d’autres pressions dues à la présence de l’Homme, l’avenir des éléphants d’Afrique reste morose.

Pourtant, la demande pour l’ivoire est en baisse, tandis que d’autres espèces sont de plus en plus prisées par les réseaux de crime organisé pour satisfaire avant tout le marché asiatique. Les espèces de pangolins d’Asie devenant rares, le marché noir s’est tourné vers les quatre espèces africaines. Ce mammifère est ainsi devenu le plus braconné au monde sur le continent africain, et donc menacé d’extinction. Contrairement aux grands mammifères de cette région du monde, il n’est pas chassé pour devenir un trophée, mais pour sa viande. Elle est appréciée comme un mets de luxe, surtout en Chine et au Viêt Nam. Ses écailles, tout comme la corne de rhinocéros, sont réduites quant à elle en poudre pour fabriquer des remèdes, soit disant miraculeux, contre les maladies. En Afrique, l’animal au physique étrange est plutôt un cadeau de luxe. Il aurait des pouvoirs magiques, ses écailles protégeraient même du mauvais œil…

Or, lorsque des animaux sauvages sont braconnés à partir de leur habitat naturel, abattus et vendus illégalement, le risque de transmission de maladies qui se propagent des animaux à l’homme, augmente. Causées par des agents pathogènes, elles représentent aujourd’hui jusqu’à 75% de toutes les maladies infectieuses émergentes. C’est le cas du SRAS-CoV-2 qui a causé la pandémie du COVID-19. La crise sanitaire que nous connaissons donne ainsi un aperçu de ce qui nous attend si les espèces sauvages ne sont pas mieux protégées.

Qui plus est, les trafiquants ne manquent pas d’ingéniosité pour écouler aujourd’hui leurs marchandises aux côtés des traditionnels marchés de rue. Ils utiliseraient de plus en plus les médias sociaux comme plateforme de vente surtout pour les ventes des reptiles vivants et les produits à base d’os de tigre.

Face à cette diversification de “ressources” corrompues, le rapport de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime souligne la nécessité de renforcer les systèmes de justice pénale. Comment ? En renforçant les cadres juridiques et les procédures judiciaires. Il apparaît donc capital d’améliorer la coopération internationale et les enquêtes transfrontières. Lutter contre ces réseaux criminels, c’est protéger la biodiversité mondiale mise en péril, mais c’est également prévenir de futures crises sanitaires et épidémiques.

Constatant des différences entre continents dans la façon dont les forces de l’ordre et les systèmes juridiques traitent le commerce illégal d’espèces sauvages, Oxpeckers et Earth Journalism Network, ont lancé le site #WildEye, spécialisé sur le trafic d’espèces sauvages.

Pour ceux qui ne connaissent pas ces deux organisations, Oxpeckers est un média basé en Afrique du Sud qui traite de l’actualité d’Afrique australe et d’ailleurs. Ses articles parlent aussi bien du trafic illégal d’espèces sauvages, que des effets du changement climatique et de la pollution. Quant à Earth Journalism Network, cette organisation unique au monde a été créée pour habiliter les réseaux de journalistes locaux à couvrir efficacement les questions environnementales. 

Et c’est avec Roxanne Joseph, data manager de #WildEye project pour Oxpeckers Investigative Environmental Journalism, que nous allons parler de cet outil de géo-journalisme numérique. Un outil qui recueille et partage des données sur les interventions juridiques contre le trafic d’espèces sauvages en Europe. En mai 2020, l’attention mondiale étant concentrée sur le commerce des espèces sauvages à la suite de la pandémie de Covid-19, cet outil a été élargi pour couvrir l’Asie.

Roxanne Joseph, Data Journaliste, Afrique du Sud

“Je m’appelle Roxanne Joseph, et je suis basée à Cape Town, en Afrique du Sud. Je suis datajournaliste. #WildEye a été créé par les journalistes pour les journalistes, et permet de localiser et de suivre la criminalité liée aux espèces sauvages.

Avant même de planifier un projet de recherche ou une enquête journalistique, cherchez les données déjà existantes sur le sujet et examinez-les. Parfois, non seulement les données permettent de répondre à des questions, mais elles peuvent vous mener à en poser d’autres.

Le data storytelling (la mise en récit des données) est une approche permettant de transmettre des idées en associant la visualisation des données à un récit. Concrètement, il faut comprendre le contexte, trier les informations, choisir une représentation graphique efficace, se concentrer sur un sujet spécifique et, bien entendu, raconter une histoire.

De nombreuses personnes peinent à comprendre le lien entre le trafic d’espèces sauvages et nos propres vies. Ce trafic nous affecte tout autant que les espèces en voie de disparition. Il a un impact écologique, économique, géographique, social et politique. #WildEye est pour nous une manière de mettre en commun toutes les informations dont nous disposons, et d’encourager le changement grâce à des récits percutants.”

Un projet porté par CFI en partenariat avec France Médias Monde

Logos CFI et France Médias Monde