Journalisme & fact-checking

05. Fatabyyano : s’allier aux plateformes pour lutter contre la désinformation /

On peut venir au fact-checking de bien des façons, et être confrontés en tant que journalistes à des problématiques spécifiques en fonction des contraintes locales.

Aux Philippines, la situation de l’écosystème médiatique est pour le moins délicate. 

Depuis l’accession au pouvoir du président Rodrigo Duterte en 2016, le pays ne fait que perdre des places dans le classement établi par l’Observatoire de la liberté de la presse tenu par l’ONG Reporters Sans Frontières. Classé 136ème aujourd’hui, la situation pourrait encore se dégrader.

Et ce n’est pas une surprise : dès son discours d’investiture, le président avait donné le ton : ”Ce n’est pas parce que vous êtes un journaliste que vous serez préservé des assassinats si vous êtes un fils de pute. La liberté d’expression ne pourra rien pour vous, mes chers.

Après avoir pris pour cible le journal Daily Philippines Inquirer, l’administration Duterte s’est engagée dans une violente campagne de harcèlement judiciaire à l’encontre du site d’information Rappler et de sa fondatrice, Maria Ressa.

Dans le monde arabophone, les infox se répandent souvent comme une traînée de poudre, parfois encouragées par les autorités au pouvoir.

Heureusement, certains site spécialisés dans le fact-checking ont émergé pour lutter contre ce fléau. L’un des principaux d’entre eux ? Fatabyyano.

Derrière cette plateforme, très populaire sur les réseaux sociaux, son fondateur Moath Al Taher. À 25 ans, le jeune jordanien est youtubeur et entrepreneur social. Étudiant en médecine, il n’hésite pas à marteler régulièrement son objectif : favoriser l’émergence d’une génération de citoyens critiques en luttant contre la prolifération de fausses informations sur les réseaux sociaux et en diffusant un contenu fiable vérifié par des spécialistes.

Moath Althaher, fondateur de Fatabyyano, Jordanie

En réalité, la plateforme de fact-checking Fatabyyano n’est pas seulement un projet, c’est une solution. Une solution à un problème auquel tous les individus et sociétés sont confrontés, celui de l’infox.

Au cours des dernières décennies, nous avons découvert que l’infox n’est pas un problème simple, et encore moins innocent. Son objectif principal est d’encourager les propos haineux, la violence et une cohorte d’autres problèmes.

Nous avons créé Fatabyyano pour apporter une solution à un problème auquel nous sommes tous confrontés, l’infox et la désinformation. Alors que nous vivons à l’ère de l’infox, et que nous sommes en pleine transition de l’ère de l’information à l’ère de la désinformation, les projets comme Fatabyyano sont devenus nécessaires

De plus, Fatabyyano est une plateforme arabe indépendante de fact-checking. Nous nous concentrons sur vingt pays du Moyen-Orient.

Le Moyen-Orient est le théâtre de nombreux conflits et de guerres, ainsi qu’une région comptant plusieurs centaines de millions d’internautes. Nous sommes convaincus que les projets comme Fatabyyano devraient jouer un rôle pédagogique important, et informer les personnes des dangers de l’infox, ainsi que de l’importance de vérifier les informations et d’apporter des preuves pour soutenir ses propos.

En ce qui concerne notre partenariat avec Facebook, il a été établi en mars 2019, dans le cadre d’un programme plus vaste appelé : « Third-party fact-checking program » (Programme de vérification des informations par un tiers), dans lequel Facebook collabore avec des fact-checkeurs indépendants, certifiés par l’International Fact-Checking Network (le réseau de Fact-Checking international), afin de participer au projet. Nous collaborons donc avec Facebook et 19 pays du Moyen-Orient.

En Afrique comme dans d’autres régions du globe, les questions de santé sont au cœur de nombreuses infox. Pensez aux antivax, qui refusent que leurs enfants se fassent vacciner, de crainte que les vaccins soient inutiles, ou pire, nocifs. Diomma Dramé est une fact checkeuse spécialisée dans les questions de santé. Pour la plateforme AfricaCheck, elle parcourt depuis le Sénégal les réseaux sociaux de la région pour y traquer les infox, et les vérifier.

Diomma Dramé, journaliste reporter, Sénégal

Deux choses pour moi : tout d’abord, il faut conscientiser la population. Il faut les amener à avoir l’esprit critique. Comment  ? En faisant du fact-checking comme on le fait, en vérifiant des informations et des déclarations. La deuxième chose, c’est de rééduquer, si je puis dire, les médias. Nous sommes tellement pris par le temps dans les quotidiens, il faut produire plus vite. Avec cette façon de travailler, rares sont les journalistes qui ont le temps de toujours vérifier.

Ils font donc facilement circuler de fausses informations. Pour les citoyens ou autre, AfricaCheck abat un travail vraiment remarquable, car de plus en plus, dans les réseaux sociaux, on voit des personnes qui viennent…

Lorsqu’une personne poste quelque chose, il y a forcément une autre personne qui vient demander : « D’où tenez-vous ce chiffre  ? » ou « Où est la source  ? »

On se dit que quelque part, en lisant AfricaCheck, en écoutant nos passages dans les radios, ils réalisent que c’est très important de se poser des questions, de ne pas prendre pour argent comptant ce qu’on voit sur le net. 

Voilà ce que je peux dire sur la lutte… La lutte contre les fausses informations.

On l’a vu, même si les conditions de travail sont parfois difficiles et que la pratique est parfois éreintante, chacun et chacune est animée par un enthousiasme et une détermination sans faille ! On espère que ce sera le cas pour vous toutes et tous après avoir visionné ces interviews !

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