Journalisme & fact-checking

02. Journalistes vs Infox /

Saviez-vous que l’eau salée pouvait soigner les symptômes de la Covid-19 ? Il suffit de prendre une gorgée d’eau saline – de renverser la tête en arrière et de laisser l’eau couler au fond de votre gorge – puis d’ouvrir la bouche et d’inspirer en produisant le son « ha ». Répétez l’opération une fois et l’ensemble de la procédure de trois à cinq fois.

Voilà le genre de choses que l’on a pu lire en anglais, français, arabe, espagnol ou chinois alors que la pandémie plongeait le monde entier dans la crise. Partagées des millions de fois, ces instructions qui peuvent soigner une pharyngite n’ont aucun effet sur la maladie Covid-19.

C’est le cas typique d’une infox qui a l’apparence de la vérité, puisqu’elle s’appuie sur une situation réelle pour la transposer à un autre contexte. C’est là que le fact-checking est essentiel : remettre en contexte à l’aide d’experts si nécessaire, avant de diffuser le plus possible notre vérification. Si elle atteint les bonnes personnes, on peut, sans être trop prétentieux, sauver des vies.

Notre rôle de journaliste est de préserver du mieux que possible la vérité. C’est d’ailleurs le premier des devoirs dont les professionnels de l’information doivent s’acquitter si l’on en croit La Charte de Munich, texte de référence concernant la déontologie du journalisme : “Respecter la vérité, quelles qu’en puissent être les conséquences pour lui-même, et ce, en raison du droit que le public a de connaître la vérité”. Mais si le public a le droit de connaître la vérité, nous avons le devoir de lui faire savoir lorsqu’il se fourvoie en croyant à un mensonge. Lutter contre la diffusion des infox fait donc aujourd’hui partie intégrante de notre mission. Mais comment en est-on arrivés là ?

La rumeur a toujours existé. Au Moyen-Age, on accusait régulièrement dans toute l’Europe les Juifs d’empoisonner les puits, provoquant massacres et pogroms. Avec l’invention de l’imprimerie, les fausses informations ont trouvé un nouveau terrain pour croître. Le tremblement de terre de Lisbonne, en 1755, a donné naissance à des pamphlets contenant de fausses informations, comme le fait que certains survivants avaient été épargnés grâce à des apparitions de la Vierge Marie. Le philosophe des Lumières Voltaire, enragé par ces croyances, a alors fait de la lutte contre les infox à dominante religieuse l’un de ses chevaux de bataille. L’apparition de la presse moderne au début du XIXe siècle a évidemment charrié son lot de fausses informations à une échelle encore plus importante. En 1835, le tabloïd New York Sun publie un canular, le “Great Moon Hoax”, prétendant qu’il existe une civilisation extraterrestre sur la Lune. Il devient par la suite le plus gros tirage de la presse américaine au milieu du XIXe siècle. La radio, puis la télévision, donneront encore plus d’impact aux fausses nouvelles.

Mais ce n’est que depuis l’avènement de l’Internet social, et de la possibilité donnée à toutes et à tous de diffuser des informations, que les normes journalistiques sont fortement menacées. La précision, la vérification, l’objectivité : autant de critères dont les algorithmes de recommandation derrière Facebook, Whatsapp ou YouTube n’ont que faire. En parallèle, les infox ont muté au stade de fausses informations créées spécifiquement pour manipuler le maximum de citoyens. Si leur impact sur les élections reste encore à démontrer, elles sont pointées du doigt régulièrement par certains dirigeants pour justifier leurs échecs. L’impact de la diffusion de fausses informations est multiple. Elles peuvent provoquer de véritables crises diplomatiques, comme lors du conflit qui a opposé le Quatar à l’Arabie Saoudite en 2017. À l’origine ? Une fausse information, censée émaner de l’agence de presse officielle qatarie. Parfois, les infox conduisent au drame, comme en Birmanie, où la haine contre la minorité musulmane des Rohingyas a bénéficié ces dernières années de la caisse de résonance offerte par Facebook.

Accusées de détruire nos sociétés, de faciliter l’élection de dictateurs ou d’attiser les haines entre communautés, ces fausses informations, qui trouvent leur origine dans la volonté de l’espèce humaine de trouver des explications faciles à des situations complexes, ont pourtant un antidote : leur vérification ! Et le poison est aussi un antidote : grâce à Internet, il est possible, si on maîtrise quelques outils, de le faire.

Ce rôle incombe aux journalistes que vous êtes, et devient particulièrement difficile car il faut d’abord repérer les fausses informations et les vérifier rapidement avant de pouvoir publier son article de vérification.

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